L'Association des éditeurs de magazines du Québec se réunit aujourd'hui. Au programme: un regard sur l'avenir et des prix pour souligner le travail de ses artisans.

Le pire serait-il passé? Selon les premiers chiffres de l'année 2010 du Print Measurement Bureau (PMB), le magazine ne se porte pas si mal au Québec. Les titres québécois comptent un lectorat moyen de 528 000 lecteurs pour les 39 publications répertoriées. «Nous sortons de deux années difficiles, mais il y a beaucoup de signes encourageants, affirme le président de PMB, Steve Ferley. Le magazine est sans doute le média qui se décline le mieux sur le web et le iPad sera une plateforme de plus, très ludique en outre, sur laquelle on pourra le lire.»

Si les acteurs du milieu soufflent depuis le début de 2010, ils savent toutefois que la partie est loin d'être gagnée. «Nous sommes optimistes, mais nous savons qu'il y a des défis à relever au cours des prochaines années», note l'éditeur de L'actualité, Réal Germain.

«Il est clair que le secteur des magazines se cherche, renchérit Marie-Claude Ducas, rédactrice en chef du magazine Infopresse. On commence à démêler les événements récents: la crise économique d'une part et les changements plus profonds qui secouent l'industrie d'autre part. Et on constate qu'il y a des questions à se poser.»

Crise financière

Outre la crise financière qui fut dévastatrice (plusieurs titres ont disparu et certains, comme Newsweek, sont en vente), on cite souvent le lectorat vieillissant parmi les problèmes de l'industrie du magazine. Or, selon le président de PMB, ce serait un mythe. «En fait, les chiffres nous montrent que bien que les jeunes passent beaucoup de temps sur le web, ils ne lisent pas moins de magazines pour autant, explique Steve Ferley. Non seulement le lectorat est-il stable, mais en plus, le temps de lecture augmente légèrement.»

Malgré ses résultats somme toute satisfaisants, tout le monde sait que cette accalmie est passagère et que les défis demeurent nombreux pour les éditeurs. «Il n'y a pas de formule magique, selon Marie-Claude Ducas. Le mot-clé, c'est la «mission» du magazine. Elle doit être bien définie. Il y a des magazines qui l'ont perdue et qui doivent la retrouver et il y en a d'autres qui doivent s'en cherchent une.»

Le magazine Monocle, fondé par l'enfant chéri des médias, Tyler Brûlé (créateur de Wallpaper) illustre bien, selon elle, l'exemple d'une «mission» bien définie. Pourtant, dans l'univers des magazines, Monocle est un extra-terrestre. Publié 10 fois par année et vendu au coût de 10 $, il est épais comme un catalogue Sears, avec un contenu hyper-pointu qui touche tout aussi bien à la politique à l'économie ou au design.

Interviewé dans le dernier Infopresse, Tyler Brûlé explique sa stratégie: un contenu exclusif, recherché et de qualité, décliné sur plusieurs plateformes (radio, télé et même une boutique où on vend des accessoires haut de gamme) et surtout, aucun éparpillement ni contenu gratuit. Bref, Monocle est un magazine de niche qui s'adresse à un lectorat trié sur le volet.

Niches

C'est aussi cette voie, la niche, que vient d'emprunter les Éditions Transcontinental avec Premium, un bookzine (!) qui s'adresse à un lectorat très pointu de dirigeants «dont le titre comporte un C comme dans CEO, etc.»

«Nous sommes un magazine d'agrégation de contenus, explique Jean Paré, éditeur de Premium, à ne pas confondre avec Jean Paré ancien éditeur de L'actualité. Un peu comme Courrier international, nous offrons une sélection de textes issus de publications hyper-spécialisées comme The Economist ou Harvard Business Review, mais avec une approche qui se situe à mi-chemin entre le magazine et le livre.»

De l'avis de Jean Paré, qu'il s'agisse de bouffe, de déco ou de mode, l'avenir est aux contenus très pointus, aux niches. «On promet aux gens qu'on leur offrira exactement ce qu'ils cherchent, sans qu'ils ne s'enfargent dans du contenu qui ne les intéresse pas. On a déjà fait la sélection pour eux. Je crois qu'on a plus de chance de succès si on cible notre lecteur.»

Mission claire, offre ciblée, déclinaison sur plusieurs plateformes (dont le iPad qui sera mis en vente ici à la fin du mois et pour lequel plusieurs publications préparent des applications), toutes ces stratégies sont bonnes, à condition d'offrir un contenu de grande qualité.

Dans l'entrevue qu'il accorde à Infopresse, Tyler Brûlé insiste: «Il faudra réinvestir dans le journalisme pour créer du contenu que les gens trouveront essentiel, des marques média auxquelles ils voudront s'associer.»