Hier soir, le réseau TLC présentait le deuxième épisode de Sarah Palin's Alaska, une émission de téléréalité en huit épisodes qui évoque davantage un documentaire de National Geographic que la défunte émission Dubois en réalité.

La chaîne qui présente cette émission, The Learning Channel (TLC), ressemble vaguement à Canal Vie et s'est fait connaître avec la diffusion de Jon & Kate Plus 8, une autre émission de téléréalité portant sur un couple et ses huit enfants, qui a alimenté la presse à potins durant plusieurs années aux États-Unis.

Sarah Palin's Alaska portera moins à controverse. On nous montre l'ancienne gouverneure et sa famille plantée dans un décor naturel magnifique, pratiquant des activités de plein air comme la chasse, la pêche, le canot, etc. Le premier épisode a attiré près de cinq millions de téléspectateurs.

«Quand j'ai vu les images, je me suis imaginé Mario Dumont il y a quelques années, dans une télésérie sur Canal Vie, vantant le Bas-du-Fleuve et nous faisant redécouvrir les valeurs familiales et le retour à la terre», lance Frédérick Bastien, professeur et membre du Groupe de recherche en communication politique à Université Laval.

«Elle n'est pas la première politicienne à utiliser les médias pour redorer son blason, ajoute-t-il. Souvenons-nous de Bill Clinton allant jouer du saxophone chez Arsenio Hall en 1992 parce qu'il jugeait qu'il était mal servi jusque-là par les médias.»

M. Bastien rappelle aussi que l'ancien premier ministre du Québec Jean Lesage et l'ex-maire de Montréal Jean Drapeau ont déjà eu leur émission dans les années 60 et 70 sur les ondes de Télé-Métropole. Des émissions à des années-lumière de la téléréalité de Mme Palin, il va sans dire...

«À mes yeux, il y a confusion des genres avec la téléréalité de Sarah Palin, estime pour sa part, Julien Tourreille, directeur adjoint de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, à l'UQAM. Mme Palin est-elle une candidate possible à la présidence des États-Unis ou l'égérie du mouvement conservateur Tea Party? Ou aurait-elle plutôt aimé être une vedette de la télé? Ce n'est pas clair.»

«Cela dit, poursuit-il, cette téléréalité renforce la complicité de Sarah Palin avec le public. Elle nous dit: «Vous allez découvrir que nous sommes des Américains normaux de la classe moyenne.»»

Brique médiatique

L'émission de téléréalité de TLC est en fait une brique de plus dans la stratégie médiatique de Sarah Palin. Depuis son apparition surprise dans la campagne électorale de 2008 aux côtés de John McCain, l'ex-gouverneure est partout: invitée à se parodier elle-même à Saturday Night Live il y a deux ans aux côtés de la comédienne Tina Fey, Mme Palin est aujourd'hui commentatrice à Fox News, un réseau associé à la droite américaine. Elle publie en outre un second livre, America by Heart, qui l'amènera sur plusieurs tribunes médiatiques au cours des prochains jours.

Malgré cette immense visibilité, d'autant plus qu'elle dit vouloir se lancer dans la course à la présidence en 2012, Sarah Palin se plaint d'être la victime des médias. C'est du moins ce qu'elle affirme dans le texte-fleuve publié hier dans le New York Times Magazine, et intitulé «The Palin Network».

«En se posant en victime de l'élite libérale et des grands médias, elle renforce son attrait auprès des classes silencieuses, note Frédérick Bastien de l'Université Laval. Elle semble s'adresser à un segment de l'électorat qui se sent oublié.» Julien Toureille renchérit, avec une précision toutefois. Selon lui, «les gens l'apprécient, mais les sondages montrent qu'ils ne lui font pas confiance pour gouverner le pays».

C'est justement ce qui fait dire à Marie Josée Gagnon, présidente de la boîte de communications Casacom et ancienne attachée de presse de Jacques Parizeau lorsqu'il était chef de l'opposition, que la téléréalité de Sarah Palin est loin d'être une bonne idée.

«C'est une situation perdant-perdant, lance-t-elle. Si la personne joue faux, cela va paraître et, si elle joue vrai, ce sera plate. Dans le cas de Mme Palin, c'est absolument faux. En outre, je ne comprends pas quels sont ses objectifs. Avec M. Parizeau, nous avions participé à une émission de MusiquePlus et à un reportage dans Le Lundi pour faire connaître la personne derrière le politicien. Dans le cas de Mme Palin, les gens connaissent l'individu. Maintenant, elle doit montrer qu'elle est compétente. Or ce n'est pas du tout l'image que nous suggère cette émission de téléréalité.»