Le Jean Charest qui prendra place sur le célèbre plateau de Tout le monde en parle demain soir est dans une position bien précaire: il a atteint un creux historique dans les sondages, lesquels ont révélé qu'il est le premier ministre le moins aimé au pays, et près de 245 000 personnes ont signé la pétition qui réclame sa démission. Sans compter que son parti a perdu l'élection partielle dans Kamouraska-Témiscouata lundi dernier... Bref, Jean Charest a tout à gagner en participant à la populaire émission.

«Ça s'inscrit certainement dans la grande colonne des «plus rien à perdre», confirme la politologue Josée Legault, qui signe une chronique hebdomadaire dans Voir et The Gazette. En acceptant l'invitation de Guy A. Lepage, on veut tenter d'humaniser M. Charest. Le premier ministre n'est pas un charmeur, mais il sait manier l'humour et se débrouille très bien dans ce genre d'émission. Ses conseillers espèrent sans doute qu'il pourra toucher la population.»

«Il est pratiquement au plancher, renchérit Frédéric Bastien, du département de communications politiques de l'Université Laval. Il est déjà allé quatre fois à Tout le monde en parle et il s'en tire toujours bien, même si on peut s'attendre à ce qu'il soit bombardé de questions pas complaisantes. Cela dit, je serais surpris que ce soit sa seule entrevue. Il faudra voir ce qu'il fera au cours des prochains jours et des prochaines semaines. Il est possible que cette participation s'inscrive dans une stratégie plus large.»

En effet, M. Charest accordera également une entrevue à l'émission Larocque-Lapierre dimanche sur les ondes de TVA. «Il n'a pas le choix, affirme Jean-François Lisée, blogueur pour le magazine L'actualité. Quand Barack Obama est allé au Daily Show de Jon Stewart, il est aussi allé à 60 Minutes. M. Charest s'en sort bien dans un talk-show, mais il y a tout de même un risque à participer à Tout le monde en parle. Quand Gérard Deltell est allé à l'émission, il y a quelques semaines, ça s'est très mal passé. Les autres invités sur le plateau étaient super-informés sur le gaz de schiste et cela s'est retourné contre lui.»

Qu'attendre de la participation de Jean Charest demain soir? Difficile à dire. Comme d'habitude, aucune information n'a filtré de l'enregistrement qui a eu lieu jeudi soir. Disons que l'exercice risque de relever davantage de la campagne d'image que d'une véritable discussion de fond sur les grands enjeux de l'heure. «On ne s'attend pas à ce que le premier ministre recule sur la question de la commission d'enquête publique dimanche soir, observe Josée Legault. Il en profitera sans doute pour réexpliquer sa position. C'est un contexte très difficile pour lui. Non seulement il est au plus bas dans les sondages, mais, en plus, cela dure depuis un an. Il doit donc combattre une tendance de fond. La semaine dernière, il s'est levé en Chambre pour s'adresser solennellement aux Québécois. Cette semaine, il a parlé de créer une escouade anticorruption. Sa présence à Tout le monde en parle fait partie de cette grande tentative de regagner une certaine confiance de la population. Quand on est à 84% d'insatisfaction dans les sondages, on ne peut pas cracher là-dessus. Et puis il ne peut tout de même pas aller au Banquier. Imaginez un instant le premier ministre entouré de valises remplies d'argent...»

Jean-Jacques Stréliski, ancien publicitaire aujourd'hui professeur à HEC Montréal, est pour sa part très sévère à l'endroit du premier ministre du Québec. «Je ne sais pas à quoi il joue, lance-t-il. Tout le monde va vous dire qu'il a tout à gagner, mais que va-t-il gagner au juste? Un point dans les sondages? Et encore... Aujourd'hui, ce n'est pas son image qui est abîmée, c'est sa réputation. Une image, ça fluctue. Une réputation, c'est beaucoup plus grave. À mon avis, ce n'est pas le premier ministre qui s'en va à Tout le monde en parle, c'est l'homme. Malheureusement pour lui, il est impossible de réparer une réputation avec une apparition de quelques minutes à une émission de télévision.»