Au cours des dernières années, la journaliste Anne Lagacé Dowson s'est taillé une place bien à elle dans le paysage médiatique québécois, sorte de trait d'union entre deux communautés, francophone et anglophone. «J'invite des écrivains francophones à mon émission de CJAD et je parle de culture anglophone sur la Première Chaîne, indique-t-elle. Si j'ai une utilité quelconque, tant mieux.»

Vous l'avez peut-être entendue chez Christiane Charrette ou au micro de Lorraine Pintal, à l'émission littéraire Vous m'en lirez tant. Anne Lagacé Dowson anime également Saturday in Montreal tous les samedis de 13 h à 17 h, sur les ondes de CJAD. À elle seule, elle incarne un certain rêve canadien: fille d'une mère francophone de Québec et d'un père de descendance écossaise de Toronto, élevée dans une maison où on prenait le petit-déjeuner en feuilletant le Toronto Star et Le Devoir... «Je suis le produit d'une fusion très canadienne, observe Anne Lagacé Dowson. À la maison, ma mère et mon grand-père étaient branchés sur la radio et la télé de Radio-Canada. J'ai grandi avec la culture québécoise.»

À cheval sur la frontière, elle est l'une des rares à pouvoir observer de près certaines différences entre les médias anglophones et francophones: «Je dirais que les anglos sont davantage politically correct. Il y a des mots, des expressions que vous n'entendrez jamais en anglais. Ils sont également plus neutres, plus distanciés, ce qui explique notamment que les éditoriaux ne sont pas signés dans les quotidiens anglophones alors qu'ils le sont chez les francophones. Ils sont également plus influencés par les médias américains et plus soucieux des cotes d'écoute.»

Après une maîtrise en études canadiennes consacrée à la lente disparition des typographes (la famille maternelle comptait trois générations de typographes au quotidien Le Soleil, à Québec), Anne Lagacé Dowson a débuté à la radio de la CBC, à Ottawa. «Je faisais la circulation, raconte-t-elle en riant. Et il n'y en avait pas beaucoup, à Ottawa...»

Déménagée à Montréal, la jeune femme a été embauchée à la CBC, où elle a travaillé comme journaliste pendant sept ans. Mais c'est l'animation qui l'intéresse. On lui donne la chance de faire ses preuves durant la crise du verglas, en 1998, alors que la radio de la CBC, qui diffuse 24 heures sur 24, a besoin de renforts.

Par la suite, elle animera Homerun et Radio Noon, deux émissions phares de la CBC à Montréal. Un rêve se concrétise.

En 2008, toutefois, elle quitte la radio pour se lancer en politique comme candidate du Nouveau Parti démocratique (NPD). C'est le moment de passer de l'observation à l'action. «Les journalistes sont aussi des êtres humains et des citoyens, souligne-t-elle. J'avais envie d'explorer ça.»

Ce devait être une élection partielle, mais les élections générales sont déclenchées. Les deux campagnes, successives, sont intenses mais surtout difficiles pour la vie familiale. «Je ne regrette rien, dit-elle. Mais la vie politique, c'est sur la glace pour moi.»

Sa période de purgatoire de deux ans, prévue par la CBC pour tout journaliste qui désire sauter la clôture, est aujourd'hui terminée. Mauvais timing, cela dit: les postes d'animatrice sont plutôt rares par les temps qui courent.

Anne Lagacé Dowson se retrouve donc journaliste indépendante, pigiste, une situation qu'elle connaît bien puisque son mari, Brian McKenna, documentariste maintes fois primé, est lui aussi un ex-journaliste de la CBC qui a décidé de voler de ses propres ailes.

Elle a la chance de pouvoir travailler dans les deux langues mais regrette cependant l'étanchéité qui persiste entre anglophones et francophones dans le monde des médias. «Je dirais que les anglophones du Québec ressemblent davantage aux francophones du Québec qu'aux anglophones du reste du Canada, remarque-t-elle. Pour cette raison, je trouve dommage qu'il n'y ait pas plus d'anglos qui écoutent les médias francos et vice-versa.»

La journaliste remarque aussi que, dans le chaos qui a secoué les médias au cours des dernières années, la radio est demeurée stable, véritable oasis au milieu de la tempête qui redéfinit le travail des journalistes actuellement. «J'adore la radio, affirme-t-elle, et je n'imaginerais pas ma vie sans elle.»

Les sources d'Anne Lagacé Dowson

«Si tu m'avais dit, il y a deux ans, que je serais sur Facebook, j'aurais ri, lance Anne Lagacé Dowson. Face aux médias sociaux et aux nouvelles technologies, je sens que je suis sur le seuil, incertaine. Mais dans la vie, on apprend tout le temps. Pourquoi résister? Ça ne sert à rien.»

Parmi les sources de la journaliste, on trouve les publications en ligne Slate et Salon, les sites alternatifs Tyee et Alternet ainsi que le magazine juif Tikkun (tikkun.org). «Je consulte aussi le site Boing Boing, un peu par amitié, car je gardais le fondateur, Cory Doctorow, quand il était petit.»

Anne Lagacé Dowson utilise beaucoup Facebook et s'est abonnée à Twitter cette semaine. Elle continue de compter sur Google et est l'une des rares à continuer de se rendre à la bibliothèque pour faire de la recherche. «Je fonctionne encore un peu à l'ancienne.»

Tous les matins, elle lit The Gazette, La Presse, The Globe and Mail. Elle consulte Le Devoir en ligne, écoute Daybreak sur Radio 1 et René Homier-Roy (incontournable, dit-elle) sur la Première Chaîne de Radio-Canada, ainsi que Maisonneuve et Désautels. Bref, ses sources radiophoniques sont d'abord francophones, un must pour qui veut savoir ce qui se passe au Québec, selon elle.

En soirée, elle regarde Enquête et The Fifth Estate (une émission créée notamment par son mari, le journaliste Brian McKenna) et regarde souvent, mais pas tout le temps, les infos de fin de soirée à la CBC et à Radio-Canada.