L'automne dernier, personne ne connaissait Andy Carvin. En l'espace de quelques mois, ce responsable de la stratégie médias pour NPR (la radio publique américaine) est devenu une vedette dans l'univers du journalisme.

C'est que l'homme de 39 ans s'est transformé en véritable canal d'information couvrant en direct la révolution qui bouleverse actuellement les pays arabes, de la Tunisie à la Libye en passant par l'Égypte.

«Tout a commencé quelques semaines avant Noël, raconte Andy Carvin (@acarvin sur Twitter), rencontré cette semaine à Austin au festival South by Southwest. J'étais souvent allé en Tunisie, je connaissais des gens, je suivais plusieurs blogueurs. À un moment donné, j'ai commencé à voir apparaître le mot-clé #sidibouzid. Un peu partout, les gens commençaient à parler de révolte dans plusieurs villes tunisiennes. Je suis devenu très attentif.»

Andy Carvin a donc commencé à retweeter des liens et des vidéos en plus de fouiller les archives pour twitter des liens contextuels sur ce qui se passait en Tunisie. «Puis le président Ben Ali est tombé et j'ai compris que ça n'allait pas se terminer de sitôt, explique Andy Carvin. J'ai donc libéré mon agenda en sachant que j'allais sans doute y consacrer les prochains mois.»

Depuis ce jour, Andy Carvin entretient une relation intense avec son compte Twitter. Durant la révolution égyptienne, il pouvait retwitter jusqu'à 1000 liens en une seule journée. Il a même obtenu une permission spéciale de Twitter parce que, habituellement, au-delà d'un certain nombre de tweets, on ferme automatiquement le compte de l'abonné.

Certains ont qualifié Andy Carvin de «plateforme humaine d'information». Le principal intéressé n'aime pas ce terme, qui décrit cependant assez bien le travail colossal qu'il accomplit depuis quatre mois. «Je me vois plutôt comme un lecteur de nouvelles qui est assis avec un écouteur dans l'oreille, indique Andy Carvin. Le lecteur consulte le fil de presse, parle aux experts, présente un clip, interviewe des témoins... Je fais exactement la même chose, j'«ancre» l'histoire.»

Son employeur, sans doute bien content de la visibilité qu'apporte Andy Carvin à NPR, lui laisse toute la latitude voulue. En échange, Andy Carvin relaie toutes les informations qu'il obtient aux journalistes de la salle de nouvelles, qui ne peuvent pas fournir tellement le volume est élevé. «Il me semble que, dans chaque salle de rédaction, il devrait y avoir une ou deux personnes qui font ce que je fais, estime Andy Carvin. Bien sûr, il faut avoir la crédibilité pour le faire. Je ne retwitte pas n'importe quoi de façon automatique. Je vérifie les informations auprès de mes contacts avant de les lancer sur le fil. Est-ce que ce que je fais est du journalisme à 100 %? Je ne sais pas. Mais c'est de l'histoire orale en direct.»

Depuis qu'il est reconnu et que son fil est suivi (en date d'hier, il avait plus de 33 000 abonnés), certains remettent son rôle en question. Ne provoque-t-il pas les événements en retwittant des propos pro-révolution? «Je n'approuve pas tout ce que je relaie sur Twitter, c'est évident, répond Andy Carvin. J'aimerais bien rediffuser les informations des deux côtés, mais il y a peu de gens pro-régime sur Twitter. Je retwitte le ministre de l'Intérieur de Bahreïn, qui est sur Twitter et qui répond même à mes questions. Si j'en trouve d'autres, je vais aussi diffuser leurs propos.»

L'immense reconnaissance du travail d'Andy Carvin (au festival South by Southwest, il ne pouvait pas faire deux pas sans que quelqu'un vienne le saluer et le féliciter) comporte sa part de responsabilité. À Austin, une fois le jour tombé, alors que la ville se transformait en gigantesque fête, Andy Carvin restait dans sa chambre d'hôtel à surveiller son fil Twitter et ses contacts, fâché de voir que les événements au Japon, aussi importants soient-ils, plongeaient les pays arabes dans l'obscurité médiatique. «J'ai peur qu'il se passe quelque chose de terrible et qu'aucun média ne soit sur place pour le raconter», dit-il.

Ces jours-ci, Andy Carvin travaille tellement que ses abonnés doivent lui rappeler de prendre des pauses et de se reposer. «C'est certain que je me suis investi émotivement dans tout cela, sinon je ne pourrais pas faire ce que je fais.»