De Geneviève St-Germain, on pourrait dire qu'elle n'a pas la langue dans sa poche ou encore, qu'elle n'a pas peur de ses opinions. En fait, c'est plus complexe que cela.

Journaliste, animatrice, chroniqueuse et maintenant écrivaine, Geneviève St-Germain a touché à presque tous les aspects de la communication. Elle n'a jamais été du nombre de ces chroniqueurs qui bâtissent une oeuvre autour de leur nombril, au contraire. Curieuse, touche-à-tout, elle a toujours donné l'impression d'être affirmée, assumée, de n'avoir peur de rien.

En lisant ses Carnets d'une désobéissante, lancés hier à Montréal, on découvre une femme à la fois très fragile et très forte, qui accepte courageusement de se démaquiller devant nous.

Certains qualifieront peut-être la démarche d'impudique, mais il n'en est rien. Il s'agit avant tout d'un acte libérateur, et surtout subversif, dans un milieu où tout n'est souvent qu'apparence et où les têtes d'affiche travaillent parfois fort dans les coulisses pour nous projeter une image fortement idéalisée, pour ne pas dire complètement fausse, d'elles-mêmes.

L'aventure médiatique de Geneviève St-Germain a commencé alors qu'elle enseignait le français, à la fin des années 80. «J'avais lu un entrefilet dans La Presse annonçant l'arrivée du magazine Elle au Québec, raconte-t-elle. Je leur ai écrit une lettre du fond de mon coeur, car il fallait que j'écrive là, même si je n'avais aucune expérience journalistique.»

La jeune femme a donc passé une dizaine d'années chez Elle Québec, dont quelques-unes comme rédactrice en chef adjointe, avant de diriger le magazine Femme Plus. Elle a ensuite sauté la clôture du côté des médias électroniques, période durant laquelle elle a coanimé Les copines d'abord (inspiré du Frou-frou de Christine Bravo en France). Elle a également partagé le micro avec Benoît Dutrizac dans une émission consacrée à l'actualité quotidienne, sur les ondes de CKAC. Geneviève St-Germain a aussi participé au concept original de Deux filles le matin, mené une série d'entrevues sur Canal Vie, en plus de collaborer à plusieurs autres émissions, dont celles de son amie Marie-France Bazzo, qu'elle a même remplacée à l'animation à quelques reprises.

Bref, on peut dire qu'elle connaît la chanson. Aujourd'hui, elle résume son expérience dans les médias électroniques de cette façon: «J'ai adoré le métier, détesté le milieu», un milieu qu'elle décrit comme un terreau fertile pour les ego fragiles en quête de reconnaissance et les excès des narcissiques en puissance.

Ce qui ne veut pas dire qu'elle ne garde pas d'excellents souvenirs de certaines expériences professionnelles.

«J'ai beaucoup aimé Les copines d'abord, note-t-elle. On avait une grande liberté, on pouvait s'exprimer sur toutes sortes de sujets, ce n'était pas une émission formatée comme les émissions peuvent l'être aujourd'hui. Il n'y avait pas le casting habituel, c'est-à-dire la drôle, la sérieuse, la mère de famille et la célibataire. Nous étions quatre filles hors normes à notre manière (les autres coanimatrices étaient Dominique Bertand, Mylène Roy et Johanne Fontaine) et c'est ça qui, à mon avis, rendait l'émission intéressante. C'était un festival d'opinions, on se mouillait. Je pense qu'on n'était pas conscientes de la chance que nous avions. Cette émission ne serait pas imaginable aujourd'hui.»

Comme d'autres avant elle, la journaliste reproche en effet à la télévision d'aujourd'hui son uniformité, on pourrait même dire sa «beigitude». «Aujourd'hui, la télé est aux mains des gestionnaires, pas des créateurs, affirme Geneviève St-Germain. Au lieu d'y aller avec notre instinct, on y va à coup de «focus groups». Même chose pour les animateurs qui doivent être lisses, parfaits, et qui finissent trop souvent par paraître désincarnés. Moi, je crois à la diversité des contenus et des individus. Il faut prendre des risques, oser avoir une vision.»

Au fil des ans, on a souvent entendu Geneviève St-Germain dénoncer le peu de place faite aux opinions des femmes. Malgré leur avancée au petit écran (pensons seulement aux nombreuses présentatrices de nouvelles), la journaliste persiste et signe. «Dans l'univers de l'opinion, la parole officielle, celle qui véhicule l'autorité, est rarement féminine. Les femmes sont encore trop souvent le perroquet des opinions des hommes. On dirait que c'est resté dans l'inconscient, qu'on s'autocensure. On n'ose pas déranger, il ne faut pas élever la voix, mettre notre poing sur la table. Il ne faut pas faire de vagues... Souvenons-nous de Lise Payette à l'époque. Elle n'était pas seulement une animatrice de télévision, elle avait une parole d'autorité dans la société québécoise et elle l'assumait.»

Aujourd'hui, au bout d'un long chemin introspectif déclenché par une traversée du désert professionnel, Geneviève St-Germain dit ne plus croire au hasard et aux coïncidences. Dans ce cas, il faut voir son plus récent engagement professionnel comme un cadeau que la vie lui a offert au moment opportun. C'est en effet Geneviève qui a réalisé toutes les entrevues contenues dans le projet «Femmes de parole» du magazine Châtelaine, entrevues qu'on peut voir sur le web (femmesdeparole.com). Pendant plusieurs jours, la journaliste s'est assise en compagnie de femmes exceptionnelles, recueillant leurs confidences, les écoutant, versant parfois une larme tellement les propos étaient troublants, inspirants, vrais.

«Ces femmes parlaient avec leur coeur et leur témoignage a été un véritable cadeau. Ce n'est pas arrivé pour rien dans ma vie.»

Maintenant que ses carnets ont leur vie propre sur les tablettes des librairies, la communicatrice pense-t-elle vouloir travailler de nouveau dans le merveilleux monde des médias? «Je crois qu'il est possible de travailler dans ce milieu avec un ego sain, répond-elle. Mais pour l'instant, c'est l'écriture qui m'attire (ndlr: ceux qui l'ont lue dans Châtelaine ou ailleurs savent que la plume de Geneviève St-Germain est l'une des plus élégantes du Québec). Peut-être un roman, on verra.» On lui souhaite, même si on aimerait bien la voir réapparaître au petit écran.