Le président du Conseil de presse du Québec, le juge John Gomery, s'est retrouvé dans un bras de fer avec la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), la semaine dernière, à propos du controversé statut professionnel des journalistes. Qui va gérer ce titre si on l'adopte enfin? La FPJQ, qui réclamait ce statut depuis plus d'un an, semble prête à jeter l'éponge si elle n'obtient pas le contrôle total d'une éventuelle carte professionnelle. Entretien avec le juge John Gomery qui est à Québec aujourd'hui pour assister à l'assemblée annuelle du Conseil de presse.

Q: La portion montréalaise des consultations de la ministre Christine St-Pierre sur l'avenir de l'information s'est terminée en cul-de-sac, la semaine dernière. Pourquoi?

R: Plusieurs membres au sein de la Fédération estiment que nous n'avons pas à jouer un rôle en ce qui concerne le statut professionnel, donc, c'est l'impasse. Tout à coup, parce qu'elle n'aura pas le contrôle du statut de journaliste, la FPJQ abandonne. Cela dit, nous ne mènerons pas seuls la bataille en faveur de l'adoption d'un statut professionnel. Elle doit être faite par la Fédération. Au départ, plusieurs de nos membres étaient opposés à l'idée d'une carte professionnelle. Nous avons finalement décidé d'embarquer, parce que nous pensions que c'est ce que souhaitaient les journalistes. Nous étions prêts à les appuyer, mais s'ils changent d'idée, nous ne poursuivrons pas.

Q: Durant ces consultations, on a également évoqué l'idée d'adopter un projet de loi qui obligerait tous les médias à être membres du Conseil de presse. Le président de Quebecor Media, Pierre Karl Péladeau, doute que cette avenue soit légale. Qu'en dites-vous?

R: Je trouve inacceptable que des journaux aussi populaires et qui représentent un pourcentage important de la diffusion de l'information au Québec ne soient pas membre du Conseil de presse. De plus, la Cour suprême du Canada a déjà tranché qu'obliger une entreprise à se joindre à une association ne brime pas le principe de liberté d'association puisque cette entreprise pourra continuer à exprimer son désaccord ou son opposition à l'intérieur de ladite association. En d'autres mots, Quebecor Media pourrait très bien exprimer des critiques à l'endroit du Conseil de presse tout en étant membre. J'aimerais bien les rencontrer pour leur expliquer la logique de revenir au Conseil, mais ils ont refusé toutes nos demandes de rencontre.

Q: Quebecor reproche au Conseil de presse le caractère arbitraire de ses décisions. Son porte-parole, Serge Sasseville, a déjà affirmé que lorsque vous jugez les plaintes, vous manquez de constance et de cohérence, sans prendre en considération vos décisions antérieures. Ces critiques sont-elles fondées, à votre avis?

R: Lorsque Quebecor Media a quitté le Conseil, nous étions dans une situation financière précaire qui nous empêchait de mener à terme plusieurs projets. Depuis, nous avons reçu une aide gouvernementale qui nous a entre autres permis d'embaucher un avocat qui a étudié toutes nos décisions des 10 dernières années. Son rapport sera remis d'ici quelques mois, mais jusqu'ici, il n'a observé aucun manque de constance.

Q: Les journalistes membres de la FPJQ se rencontrent ce week-end à Québec dans le cadre de leur congrès annuel. Qu'auriez-vous envie de leur dire?

R: Je leur dirais d'examiner leur propre volonté ainsi que les dissidences à l'intérieur de leur fédération. Une ingérence du gouvernement est une mauvaise chose, à moins qu'elle soit très limitée et autoréglementaire. Dans ce cas, je crois que la qualité de l'information peut être améliorée. Il faut essayer de concilier les deux.