Il y a quelques années, Radio-Canada a introduit les décomptes au début des émissions de télévision, une façon nouvelle d'aller chercher des revenus publicitaires sans pour autant heurter son auditoire. Il faut s'attendre à d'autres mesures de la même eau au cours des prochains mois, selon Louis Lalande, nouveau patron de la société d'État qui entreprend son mandat dans un contexte de compressions budgétaires.

«Nous sommes condamnés à explorer ces avenues, à encourager la créativité et les idées...», affirme Louis Lalande.

À quelques semaines du dépôt du budget fédéral, Radio-Canada s'attend en effet à faire des compressions oscillant entre 5 et 10%. Le successeur de Sylvain Lafrance à la vice-présidence des services français de Radio-Canada se dit toutefois confiant.

«Nous sommes à un moment très intéressant, assure-t-il. Au cours des 10 dernières années, on a parlé de l'arrivée du numérique. Là, nous y sommes. C'est le point de bascule, et je trouve le défi formidable. Oui,le contexte est difficile, je ne l'ai pas choisi, mais je le trouve stimulant. Pour les compressions, on a préparé plusieurs scénarios. Avec l'expérience, j'ai appris qu'il faut attendre. En général, le budget est imprimé la veille. On verra bien.»

Sylvain Lafrance, avait un surnom: Sylvain multiplateformes. Le prédécesseur de M. Lalande parlait de numérique bien avant qu'on sache exactement ce qu'il voulait dire. Quel sera le surnom de M. Lalande? M. Compressions? Il est trop tôt pour le dire, mais le principal intéressé affirme que son objectif est d'accompagner ses troupes afin que Radio-Canada prenne sa place dans le nouveau paysage médiatique. «Je suis entré à Radio-Canada alors qu'on passait du film à l'électronique, note-t-il. À l'époque, on se disait qu'on n'y arriverait pas, qu'on ne serait pas capables de faire la même chose dans ces nouvelles conditions et que la technologie ne serait pas fiable. Or, nous avons réussi et Radio-Canada est demeurée une référence. J'ai absolument confiance que nous allons une fois de plus réussir dans ce nouveau contexte.»

Non seulement l'environnement technologique a-t-il changé, mais le comportement des auditoires est, lui aussi, complètement transformé. À l'ère du so-lo-mo (social-local-mobile), c'est aux médias d'aller rejoindre leur auditoire là où ils se trouvent. C'est un autre des défis qui attendent Louis Lalande.

«C'est la première chose que j'ai dit aux employés, souligne-t-il. Nous devons nous assurer d'être en totale prise avec l'ensemble de nos auditoires. Ils se sont fractionnés, mais il ne faut pas avoir peur de ça. Tous nos indices nous montrent qu'on nous apprécie encore, mais en plus petites tranches. Il faut être présent partout. C'est pour cette raison que Radio-Canada vient de lancer une application mobile et nous continuerons dans cette direction.»

Bien que M. Lalande soit absent des réseaux sociaux («Même pas sous un faux nom?» «Non, même pas.»), il comprend très bien la nouvelle dynamique basée sur la participation et l'échange avec le public. «On ne peut plus nier le désir des auditoires de participer, de discuter, de contribuer au développement et nous avons bien l'intention d'y faire écho», assure-t-il.

Quant aux jeunes, cet auditoire infidèle qui regarde la télé sur le web en textant à des amis, ils ne lui font pas peur. «La marque Radio-Canada est forte auprès des jeunes aussi, affirme-t-il. Aux dernières portes ouvertes, la vedette, c'était M. Craquepoutte, les gens se battaient pour prendre une photo avec lui... Il y a deux ans, je me suis retrouvé à Winnipeg dans un festival de musique émergente. Les gens de Bande à part étaient là, au centre culturel de Saint-Boniface. J'étais estomaqué de voir l'attrait qu'ils suscitaient. Ce sont des exemples qui me confirment que la marque est encore là. Pas avec la force d'avant, pas comme un bloc, mais de manière plus éclatée.»

Durant sa longue carrière, Louis Lalande n'aura été infidèle à Radio-Canada que quelques années, le temps d'aller lancer la chaîne LCN chez le concurrent. Ces liens tissés permettront-ils au nouveau patron de Radio-Canada d'améliorer les relations avec Quebecor? «J'ai à coeur d'avoir les relations les plus fructueuses possibles avec l'ensemble de nos partenaires.» Est-ce à dire qu'il souhaite mettre fin à la dispute qui empoisonne l'atmosphère depuis plusieurs années? «Je ne ferai pas d'autres commentaires.»