Parmi tous les albums de musique rock parus jusqu'à maintenant en 2008, 10 se sont vus attribuer une cote d'au moins quatre étoiles par les critiques de La Presse. Voici la liste:

1- Dear Science, TV on the radio

Ouf! On n'oubliera pas Dear Science, troisième album studio du groupe new-yorkais TV on the Radio, dans nos palmarès de fin d'année 2008. Deux ans après le dense et raffiné Return to Cookie Mountain, le groupe a encore une fois peaufiné son rock sophistiqué, proposant des compositions aussi audacieuses, sur le plan des arrangements et des textures sonores, qu'accrocheuses. Dès les premiers coups de tambour de Halfway Home, son intro mécanique qui part en vrille lorsque les guitares électriques décollent, en passant par le funk nerveux (évoquant, jusque dans la voix de Kyp Malone, le Bowie de Young Americans) jusqu'à l'étrange numéro presque rappé de Dancing Choose ou la théâtrale prosternation en forme de ballade de Stork and Owl, Dear Science nous trimbale d'une scène à l'autre sans perdre le fil de son propos. La réalisation du guitariste David Andrew Sitek de la graine de génie, si si! est pétillante, détaillée, elle met à profit les cordes sans nous en gaver (Family Tree passe tout près, cependant), et les cuivres de l'Antibalas Afrobeat Orchestra. Bref, on pourrait passer toute la page à s'extasier sur chacune de ces chansons, tout ça n'aura pour objectif que de vous inciter à découvrir cette alchimie parfaite. (Philippe Renaud, collaboration spéciale)

À écouter: à vous de choisir

TV ont the Radio

Dear Science

Interscope/Universal

**** 1/2


2- The Stand-Ins, Okkervil River

Les Texans d'Okkervil River ont offert l'année dernière une précieuse galette d'indie rock, The Stage Names, révélant à un plus grand nombre le talent de chanteur, de compositeur et surtout d'auteur du leader Will Sheff. C'est qu'il possède une sacrée belle plume. Un fameux conteur comme il ne s'en fait plus assez, porté par un orchestre au son vivace, puisant dans plusieurs grandes époques du rock américain pour asseoir le propos de ce nouvel album. Ainsi, The Stand-Ins doit être vu comme la suite du précédent, abordant sensiblement les mêmes thèmes (The Stage Names devait d'ailleurs être un album-double), principalement la futilité de la popularité et les masques qui doivent tomber. Peu de chansons ratent leur cible, si bien que l'ensemble s'écoute avec appétit, tant les compositions sont solides, les guitares (électrique, slide, sèche) opulentes et l'interprétation passionnée. Un disque urgent et pertinent; encore un bon produit Jagjaguwar. (Philippe Renaud, collaboration spéciale)

À écouter: Blue Tulip

Okkervil Rive

The Stand-Ins

Jagjaguwar/Outside

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3- Oceans Will Rise, The Stills

Il s'appelle The Stills, mais bonté que le groupe montréalais ne fait pas dans l'immobilisme! Avec ce troisième excellent album, le quintette rock indie démontre brillamment pourquoi Paul McCartney et Jean Leloup l'ont choisi pour assurer la première partie de leurs spectacles: parce qu'ils ont du talent sans bon sens et de très bonnes chansons. Ce disque est traversé par l'idée de la fin du monde, de la catastrophe environnementale imminente, avec des textes donc très noirs, mais sur des musiques souvent lumineuses, qui empruntent à la brit pop, au new wave, au rock atmosphérique ou expérimental, au rock tout court... et même au ska, s'il faut en croire les deux auteurs-compositeurs et chanteurs des Stills, Tim Fletcher et David Hamelin. À mon sens, le disque s'essouffle un peu en bout de course - pas facile de choisir quand la formation compte deux auteurs-compositeurs forts -, mais il y a tellement de bon stock sur ce disque «made in Montreal» qu'on aurait tort de bouder son plaisir. On a vraiment hâte de voir leur spectacle bien à eux. (Marie-Christine Blais)

À écouter: Everything I Build

The Stills

Oceans Will Rise

Arts&Crafts

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4- Love At the End Of the World, Sam Roberts


Sam Roberts n'est pas le premier nom qui vient à l'esprit lorsqu'on pense à la foisonnante scène rock montréalaise. Pas assez à la mode, comparé aux Arcade Fire et autres Malajube. Vrai que le rockeur originaire de Pointe-Claire donne parfois l'impression de n'avoir jamais rien écouté d'autre que CHOM-FM. Sa musique est clairement trempée dans celle des années 60 et 70. Ce qui ne veut pas dire qu'elle soit précisément calquée sur celle d'un autre. Sam Roberts a totalement intégré ses références, qu'il mêle ici et là à d'autres plus récentes: il a été un grand fan de Stones Roses et du son Madchester au tournant des années 90. Et ça s'entend toujours un peu, depuis son premier album. Ses plus grandes qualités demeurent toutefois de composer des chansons accrocheuses qui s'écoutent avec plaisir tant les jeux rythmiques et les dialogues instrumentaux entre les membres de son groupe sont limpides et éloquents. Moins psychédélique que Chemical City (ce qui n'est pas une mauvaise nouvelle), Love At the End Of the World est plus concis, voire plus direct. Dans Them Kids, Sam Roberts se plaint indirectement de ne plus faire partie de la «jeunesse». Chose certaine, sa «maturité» ne nuit pas à son art. (Alexandre Vigneault)

À écouter: Fixed to Ruin

Sam Roberts

Love At the End Of the World

Secret Brain/Universal

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5- Narrow Stairs, Death Cab For Cutie

Death Cab For Cutie n'a jamais cultivé le radicalisme. Son univers musical se caractérise par son goût pour la nuance, les mélodies fluides et l'envie d'afficher la fragilité. Dans ses chansons, les drames peuvent être soulignés par une note abrupte ou même un simple silence. Son évolution artistique n'a jamais passé par aucun virage brusque. Du moins pas avant Narrow Stairs. Sur son huitième album, le groupe de Seattle se fait plus rock que d'ordinaire. Ça ne se sent pas tout de suite. Ce n'est qu'une minute et demie après le début de Bixby Canyon Bridge, qui ouvre l'album, qu'une batterie et une basse insistantes indiquent un changement de direction. Destination: une envolée rock atmosphérique un brin rugueuse dont les mouvements sont soigneusement calculés. I Will Possess Your Heart, chanson fleuve de huit minutes, avance sur une ligne de basse tendue particulièrement éloquente. On est loin des débordements de testostérone d'Arctic Monkeys ou des Strokes, mais Death Cab For Cutie rocke comme il n'a peut-être jamais rocké auparavant. Sans perdre son sens de la mesure. (Alexandre Vigneault)

À écouter: Bixby Canyon Bridge

Death Cab For Cutie

Narrow Stairs

Warner

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6- Nouns Sub, No Age

Album de l'année? En tous cas, si le graphisme de la pochette et du livret était garant de la qualité de la musique, ce serait déjà gagné. Or, cet électrisant alliage de punk, de rock d'avant-garde et de refrains accrocheurs vaut déjà à lui seul un ticket pour les palmarès de fin d'année. Après des écoutes répétées, le deuxième disque du duo californien No Age - Randy Randall et Dean Allen Spunt - ne cesse encore de surprendre par sa fraîcheur, sa concision, et sa vigueur. Les deux musiciens, personnages en vue de la scène underground de Los Angeles, déploient des trésors d'imagination sur ces courts brûlots qui, initialement, rappellent le joyeux bordel des Stooges de Raw Power. Avec une sensibilité noize peut-être héritée de Sonic Youth, et, pourquoi pas, une propension à tuer, à l'occasion, la virulente rythmique de la batterie pour étendre des textures de guitares atmosphériques. Si ça tient la route? Faut l'écouter pour s'en convaincre. Une sacrée belle surprise.

À écouter: Eraser

No Age

Nouns Sub

Pop/Outside

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7- Le volume du vent, Karkwa

Au troisième chapitre, le défi était considérable. Il a été relevé: brillante spatialisation du son, arrangements inspirés, musiques transcendées. Karkwa s'est clairement affranchi de ses influences les plus marquantes (particulièrement Radiohead) et sait user d'autres références sans s'y coller. Qui plus est, plusieurs collaborateurs allumés ont mis la main à la pâte, Patrick Watson et Olivier Langevin pour ne citer que les plus connus. L'instrumentation y est vaste et maîtrisée, l'amplitude harmonique et les propositions rythmiques y sont remarquables, le coefficient de difficulté y est nettement supérieur à la moyenne des groupes rock d'ici, anglos comme francos. La facture de la réalisation (Karkwa et Mathieu Parisien) s'impose à mon sens comme l'une des grandes contributions de la pop québécoise des dernières années. Du coup, le chanteur Louis-Jean Cormier et son claviériste de collègue François Lafontaine atteignent de nouveaux sommets au plan de la composition. Quant aux textes, son auteur principal devra encore gagner en précision pour atteindre ses objectifs poétiques, aussi nobles soient-il. D'ici là, laissons Karkwa hausser le volume du vent. (Alain Brunet)

À écouter: Le volume du vent

Karkwa

Le volume du vent

Audiogram

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8- 13 Blues for Thirteen Moons, Thee Silver Mt. Zion

Jamais Silver Mt. Zion (SMZ) n'a paru aussi enragé. Dès le début de la pièce-titre, les guitares tonnent et la distorsion fuse. Le rock lent et pesant précipite dans la tempête. Avec ce sixième disque studio, l'ancêtre de Godspeed s'éloigne des montées linéaires. Les lents déploiements demeurent. Mais ils se font dans une structure plus chaotique. Montées et accalmies se succèdent, au gré du bordel de guitares et des orchestrations du trio violons-violoncelle. Peut-être même plus que dans le précédent Horses In The Sky, ces nouvelles pièces s'incarnent dans la voix d'Efrim Melnuck. Ce qui explique la noire intensité de 13 Blues. Le registre vocal de Melnuck reste limité: timbre agonisant qui crie sa furie et son désespoir. Même 1 000 000 Died To Make This Sound, chanson d'amour pour les musiciens, semble tragique. L'espoir rayonne enfin quand d'autres voix s'ajoutent à la sienne, comme les choeurs poignants qui concluent BlindBlindBlind. Une finale aussi belle et sobre que le drone qui ouvre l'album. (Paul Journet)

À écouter: Black Waters Blowed/Engine Broke Blues

Thee Silver Mt. Zion

13 Blues for Thirteen Moons

Constellation

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9- The Bedlam in Goliath, The Mars Volta

Qu'est-il arrivé? Comment est-on passé d'une intro de cris stridents beuglés à une groove latine à une tornade de sax à de furieux solos de guitares? Et pourquoi Cedric Bixler-Zavala parle-t-il de créatures sans carapace et de fissures dans l'espace-temps? C'est le genre de question qu'on se pose après 10 minutes d'écoute de The Bedlam in Goliath. Puis on arrête le disque. Et on le recommence. Autant pour essayer de le comprendre que pour le savourer. Mars Volta raconte que son quatrième album vise à conjurer le mauvais sort d'un ouija acheté à Jérusalem. Oui, sérieusement. Peut être que le groupe est vraiment possédé, après tout. Ça expliquerait leur génie musical et leurs textes insensés, condensés ici plus que jamais. Les huit musiciens (dont le superbe nouveau batteur Thomas Pridgen) tirent dans toutes les directions: rock, métal, prog, funk et même free jazz. Tellement qu'on croit parfois entendre des soliloques. Chacun de ces flashs éblouit, même si un peu plus de structure ou d'air auraient été appréciés. (Paul Journet)

À écouter : Aberinkula

The Mars Volta

The Bedlam in Goliath

Universal

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10- Parc Avenue, Plants & Animals

Rares sont les premiers disques d'un groupe rock dont la connaissance académique de ses protagonistes ne désamorce en rien l'urgence de l'expression. À l'inverse, rares sont les groupes rock naissants qui charrient une telle connaissance de l'harmonie, de l'arrangement et de la notion de spatialisation sonore... sans que l'on s'en rende compte au premier abord. Et voilà un autre groupe anglo-montréalais (enfin, un Québécois francophone et deux Néo-Écossais transplantés dans cette île) qui s'ajoute à la liste déjà longue de projets concluants au cours des dernières années. Et non, ça n'a rien à voir avec Arcade Fire, We Are Wolves, The Besnard Lakes ou Patrick Watson. Et non encore, il n'y a pas de glockenspiel dans l'instrumentation! On découvre plutôt une onzaine de chansons et pièces superbement construites, des ambiances variées, des guitares poignantes, des mélodies vocales harmonisées avec grand soin, un chanteur de premier plan (Warren C. Spicer), des claviers, des cuivres, des anches, des bois, des choeurs, des cordes, de nombreuses références stylistiques, une vraie facture indie, bref tout plein d'éléments qui donnent un relief peu commun à ce Parc Avenue. (Alain Brunet)

À écouter : Faerie Dance



Plants & Animals

Parc Avenue

Secret City

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