Miriam Makeba n'est plus. Dans la nuit de dimanche à lundi, la chanteuse sud-africaine est décédée alors qu'elle participait en Italie à un spectacle d'appui à l'écrivain Roberto Saviano, connu pour ses positions fermes contre la mafia. Elle avait 76 ans. Non seulement a-t-elle été une des grandes militantes de la lutte contre l'apartheid, mais encore fut-elle la toute première star mondiale de la chanson africaine moderne.

On l'avait surnommée Mama Afrika, manière de s'incliner devant son autorité sur la culture du continent noir et, bien sûr, pour souligner ses convictions panafricanistes.

La nouvelle de sa mort s'est répandue sur la planète entière comme une traînée de poudre. Ses contemporains multiplient les hommages, à commencer par le grand Nelson Mandela: «Elle était la première dame sud-africaine de la chanson et elle mérite le titre de Mama Afrika. Elle était la mère de notre combat et de notre jeune nation», a-t-il déclaré à l'AFP.

Née le 4 mars 1932 à Johannesburg d'une mère swazi et d'un père xhosa, la jeune Zenzi (diminutif du prénom zoulou Uzenzile qui signifie «Tu ne dois t'en prendre qu'à toi-même») a d'abord chanté dans les événements locaux, relate l'AFP. À l'âge de 20 ans, elle joignait les Manhattan Brothers, au sein desquels elle héritait de son nom de scène. Elle se retrouvait ensuite chez les Skylarks, dont elle était l'une des fondatrices.

En 1959, au festival de Venise, on lui fait savoir qu'elle ne pouvait rentrer au pays. Sa participation à un documentaire anti-apartheid, Come Back Africa, l'avait conduite à cet exil forcé. Après un séjour à Londres, elle s'installe aux États-Unis où son tube Pata Pata (écrit depuis 1956) escalade le palmarès. The Click Song et Malaïka connaîtront aussi le succès commercial.

À l'instar de son premier mari, le célèbre trompettiste et compositeur Hugh Masekela, elle travaillera un moment dans l'orchestre du chanteur calypso Harry Belafonte, un artiste progressiste et ouvert sur le monde.

En 1963, elle témoigne contre l'apartheid aux Nations unies et perd alors sa citoyenneté sud-africaine et le droit de rentrer au pays jusqu'à la chute de ce régime. En 1966, elle reçoit un Grammy pour l'album An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba. Avec Belafonte, elle chantera d'ailleurs pour l'anniversaire de John F. Kennedy en 1962, ce fameux party où Marilyn avait entonné «Happy Birthday Mr. President!» Ces contacts privilégiés auront tôt fait de s'effriter car Miriam Makeba se radicalise. Au point de fréquenter et même devenir la compagne de Stokely Carmichael, dirigeant des fameux Black Panthers qui préconisent la guérilla urbaine pour libérer l'Amérique noire. Inutile d'ajouter que la carrière américaine de Makeba est alors anéantie par cette union.

Fin des années 60, le couple quittera les États-Unis pour la Guinée Conakry.

L'union durera jusqu'en 1973, Carmichael mourra en 1998. Pendant son séjour en Guinée Conakry, Miriam Makeba aura occupé les fonctions de ministre de la Culture. La fille unique de Makeba, Bongi, mourra aussi en Guinée en 1985, des complications d'une fausse couche. Makeba part alors s'installer à Bruxelles et résidera en Europe jusqu'à son retour en Afrique du Sud en 1992. Elle y fondera d'ailleurs un centre de réhabilitation pour adolescentes de la rue.

Dans les années 70 et 80, elle chante partout dans le monde, on l'invite dans plusieurs festivals de jazz qui font aussi dans ce qu'on nommera la world music. On la dit proche de Dizzy Gillespie et de Nina Simone. Fin des années 80, elle prend part à la fameuse tournée Graceland du chanteur américain Paul Simon. On se souviendra de sa prestance et de son aura dans les arénas.

Miriam Makeba se produira plusieurs fois à Montréal au cours de sa longue carrière. On se souviendra de sa générosité, de sa voix calme et assurée, de ses convictions apparemment intactes malgré quelques contradictions notoires - la dictature guinéenne, notamment.

En 2000, le producteur montréalais Lamine Touré et son équipe en faisaient la marraine des Nuits d'Afrique. «Pour moi, elle a une valeur comparable à Mandela. Marraine pour nous, à Montréal, c'était trop! Très gentille, simple comme une enfant, elle n'était pas compliquée du tout. Sympathique avec tout le monde! Je me souviens à quel point nous avions été soulagés, à son arrivée à l'aéroport, de voir à quel point elle était agréable.»

Samedi prochain au Kola Note, la chanteuse montréalaise Lorraine Klaasen, d'origine sud-africaine, compte lui rendre hommage. «En 1984, j'ai partagé la scène avec Miriam Makeba. À chacun de mes spectacles, d'ailleurs, je reprends toujours Pata Pata et The Click Song. Cette fois, je vais faire plus. Nous allons célébrer la musique sud-africaine, l'ancienne comme la nouvelle! Miriam Makeba a quand même eu une belle fin, en exerçant le métier qu'on aime. Ses chansons son éternelles, il faut maintenant alimenter la flamme.»

Avec AFP et AP