Plus de 30 ans après la toute première mouture de Starmania, les chansons de Luc Plamondon et du défunt Michel Berger passent de l'opéra rock à l'opéra classique, dans un décor multimédia moderne et avant-gardiste. Présenté l'an dernier à Québec, Starmania Opéra débarque à Montréal, toujours sous la direction musicale du chef d'orchestre Simon Leclerc.

«Marc, un p'tit blues, est-ce que ça t'irait? En ré mineur. Ça vous va, M. Hervieux?».

Si le chef d'orchestre Simon Leclerc a demandé au piano un «p'tit blues» au chanteur d'opéra Marc Hervieux, c'était de l'ironie. Car s'il y a un mot qui ne nous venait pas à l'esprit quand Hervieux a fini de chanter Le blues du businessman, c'était bien le mot petit...

 

L'ambiance était relaxe, il y a deux semaines, à la première répétition de la troupe de Starmania Opéra en vue des concerts qui seront présentés à la Place des Arts, à compter de samedi prochain. Les interprètes étaient en jean, verre de café à la main. À un moment donné, un téléphone cellulaire a sonné et Luc Plamondon s'est mis à courir. «Je n'ai pas éteint mon téléphone dans ma poche», a-t-il lancé aux journalistes entre deux enjambées.

Plamondon n'a pas trop le trac. «À Québec, cela été un triomphe, autant avec le public d'opéra que le grand public», signale le parolier. Cette version de Starmania a d'abord été présentée à l'Opéra de Québec, l'été dernier, dans le cadre du 400e anniversaire de la Vieille Capitale. «Ce sera encore meilleur à Montréal», promet Michel Lemieux, qui signe la mise en scène avec son partenaire Victor Pilon.

Il s'agit d'une première à l'opéra pour les pionniers du multimédia au Québec. Fidèle à sa démarche artistique, le tandem a davantage fait appel à l'imagerie vidéo qu'à des «décors construits» pour recréer l'univers de la ville imaginaire de Monopolis. Les deux scénographes ont voulu miser sur l'histoire de Starmania. «Habituellement, dans les opéras, les gens connaissent deux ou trois airs, indique Michel Lemieux. Starmania, tout le monde connaît les airs. Mais l'histoire est moins connue que les textes.»

C'est un «opéra actuel», souligne le metteur en scène, faisant référence à cette histoire qui parle d'amour impossible, de célébrité et de corruption. «Ça fait du bien d'entendre des choses d'aujourd'hui dans un opéra. Et c'est étonnant d'assister à un opéra dont on comprend tous les mots.» Luc Plamondon acquiesce: «Les gens nous disent: on a l'impression d'écouter les paroles pour la première fois.»

De l'opéra rock à l'opéra classique

Ce ne sont pas toutes les chansons populaires qui se transposent bien en forme opératique, souligne Michel Lemieux. Mais les pièces de Starmania se prêtaient au jeu, car leur structure n'est pas répétitive. «On a appelé ça un opéra rock, mais ce sont des mélodies lyriques. C'était un rêve de Michel Berger que sa musique soit entendue à l'opéra», souligne par ailleurs Luc Plamondon.

Il a toutefois fallu enlever la section rythmique des pièces. «Il n'y a pas beaucoup de batterie dans du Puccini», blague le chef d'orchestre Simon Leclerc.

Les chanteurs aiment cette expérience. «Mais si ça avait été différent de chanter de l'opéra, je ne l'aurais pas fait, signale la soprano Marie-Josée Lord. Chaque air qu'on devait chanter a été travaillé. Les musiques valorisent chacun de nous. C'est du sur mesure, de la haute couture musicale.»

Est-ce qu'adapter une oeuvre populaire à l'opéra peut démocratiser cet art classique? «Habituellement, quand les gens arrivent à l'opéra, ils sont en découverte à tous les niveaux, répond Marie-Josée Lord. La particularité de Starmania est que les gens arrivent dans la salle et qu'ils ont déjà une base établie. C'est une langue qu'ils comprennent.»

«Toutes les initiatives de ce genre-là aident la chose, indique Marc Hervieux, vu sur le plateau de Tout le monde en parle dimanche dernier. Cela fait découvrir l'opéra à bien du monde.» Le chanteur souligne des initiatives comme Pavarotti&friends, qui réunissait le défunt ténor avec des artistes pop. «Mais ça ne marche pas tout le temps de mêler la pop et le classique», avertit Hervieux.

Quoi qu'il en soit, Starmania réunit la crème des chanteurs lyriques du Québec, soit Marie-Josée Lord (Marie-Jeanne) et Marc Hervieux (Zéro Janvier), de même que la soprano Lyne Fortin (Stella Spotlight), le baryton Étienne Dupuis (Johnny Rockfort), la soprano Raphaëlle Paquette (Cristal) et le ténor Pascal Charbonneau (Ziggy). Quant à la mezzo-soprano Krista de Silva (Sadia), elle est originaire de l'Alberta.

«Le chanteur d'opéra, c'est juste ça qu'il fait, sortir de la maison, souligne Étienne Dupuis. Ce spectacle nous ramène tous ensemble au Québec», conclut-il.

Starmania Opéra, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, les 14, 18, 21, 23, 26 et 28 mars.

 

prochaine étape

La prochaine étape de l'oeuvre de Starmania ? Le film. Mais comme le souligne Luc Plamondon, « ça fait 30 ans qu'on en parle «. Plamondon a déjà une entente avec de « gros producteurs «. Mais « il faut trouver le bon réalisateur «. Toujours à suivre...