En France comme au Québec, le groupe de chanson folk reggae Tryo a bâti son succès grâce au bouche à oreille. Si ça marche? À votre avis, combien d'artistes ou groupes français, hormis Mathieu Chédid ou Alain Bashung, pourraient donner 10 concerts dans de grandes salles au Québec, dont trois à guichets fermés au Métropolis?

Tryo est de retour, et on peut dire qu'il a bonne mine. Sur le même élan - et avec la même ouverture d'esprit musicale - que sur Grain de sable (2003), le quatuor insuffle à son reggae-folk des idées musicales venues de l'Inde, de l'Afrique du Nord (et de l'Afrique tout court) et, pour la première fois, des traces de rythmes d'Amérique latine.

 

Mature, gonflé d'une assurance renouvelée après la pause du 10e anniversaire, après les explorations musicales qui ont mené à la création de groupes-satellites (Pause, Desert Rebel) et, bien sûr, à une carrière solo remarquée, celle du chanteur Christophe Mali, le groupe le plus populaire de l'Hexagone poursuit sa tournée au Québec avant de remettre le cap sur l'Europe.

«On a surtout pris une pause de cinq ans avant de lancer un nouvel album studio, indique le guitariste Manu Eveno, joint à Paris en pleine répétition. Entre-temps, on a pas mal voyagé; on est revenu avec des idées et des influences qu'on n'avait pas auparavant. Et ensuite, ce sont les chansons elles-mêmes qui génèrent toutes ces couleurs musicales différentes. C'est ce que tu mets autour des chansons qui les bonifie, ces couleurs indiennes, sud-américaines, touareg, nées de rencontres et de contacts avec les autres.»

Écoresponsable

Avec près de six mois de retard arrive enfin au Québec Ce que l'on sème, quatrième album studio de Tryo en 13 ans. Un délai pour le moins étonnant compte tenu du vif succès que remporte chez nous le quatuor depuis la sortie de Grains de sable en 2003. Pourtant, le groupe tenait «absolument» à ce que l'album paraisse en même temps chez nous qu'en France, assure le guitariste.

«Ce que l'on sème a été fabriqué avec du papier biodégradable, tout comme la pellicule de l'emballage. On a fait imprimer avec de l'encre végétale. Tout le projet est écoresponsable. Or, ça a créé des difficultés avec la compagnie au Québec (les disques Indica), d'où le décalage dans la sortie. Mais notre souhait était de le lancer tel quel chez vous, et il le sera.»

Sur le sujet de l'environnement, le Manu est intarissable. «Fabriquer un disque, c'est polluant. On a voulu que la fabrication du nôtre se fasse dans le respect de la nature. On est dans une urgence, la planète est dans une urgence. D'ici quelques années, on va prendre deux degrés (Celsius) à l'échelle planétaire. Nous, depuis quelque temps déjà, on a pris conscience de notre impact écologique. Sans prétention, en agissant comme on le fait, on espère susciter chez les fans des comportements écoresponsables, jusque dans nos concerts.»

Le logo de Greenpeace se trouve d'ailleurs inscrit - à l'encre végétale, bien sûr - dans un coin de la pochette. Par le passé, les membres du groupe ont milité pour l'indépendance du Tibet, pour la reconnaissance des sans-papiers. Sur le site web officiel de Tryo, un «blogue citoyen» sert de babillard où les membres suscitent le débat autour des causes qui leur tiennent à coeur. L'engagement du groupe, qu'on qualifiait de hippie à ses débuts et à qui on a apposé l'étiquette «altermondialiste», ne s'est visiblement pas estompé.

«Pour nous, musique et engagement se mêlent agréablement, explique Manu. Les causes qui nous préoccupent et que l'on défend, on les met de l'avant. Oh! on sait très bien que nous sommes des «divertisseurs» - comment vous dites, chez vous, des entertainers? Nous sommes des saltimbanques, voilà.»

«Surtout, on n'est pas des messies. Seulement des citoyens qui avons le privilège d'avoir un micro. Alors, on s'en sert. Bien sûr, on n'oblige personne à nous suivre. On ne veut surtout pas emmerder qui que ce soit. Les gens écoutent la musique comme ils le veulent. Il se trouve seulement que les artistes sont en général des êtres qui rêvent à un monde meilleur. On espère notre vie plus belle, plus juste, plus vertueuse, quoi.»

En demandant quand même à leurs fans de faire un effort... «On encourage le covoiturage, et ça fonctionne - je ne sais pas si c'est très populaire au Québec. Il se trouve que le public qui se déplace pour nos concerts génère une quantité de CO2 plus importante encore que nous et notre matériel de tournée. On a demandé un rapport là-dessus. Justement, il devrait nous arriver lorsqu'on sera au Québec. Je sens qu'on va se prendre une grande claque... mais ça va nous pousser à faire encore plus d'efforts.»

«Mais on est ravis de revenir ici, enchaîne Manu. Nous avons traversé le Québec une dizaine de fois déjà. On sait qu'il y a une connivence d'esprit, entre nous et le public chez vous. Vous aussi êtes engagés dans la «résistance». Il y a une véritable adéquation entre nous et le public québécois, ça, c'est sûr.»

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Tryo au Métropolis les 12, 13 et 14 mars.