Leonard Cohen a créé l'événement au Festival de jazz l'an dernier et depuis, on le réclame partout dans le monde. Jeff Beck, lui, pourrait marquer le 30e Festival de jazz où il donnera ses deux premiers concerts en carrière à Montréal. Le hasard, qui n'en manque pas une, veut que les DVD de leurs concerts arrivent en magasin cette semaine.

Le mois dernier, à New York, le directeur musical de Leonard Cohen, Roscoe Beck, m'a raconté les circonstances difficiles du tournage du DVD Live in London qui sera en magasin mardi. Problèmes techniques, manque de temps pour faire la balance de son, crainte légitime de jouer une musique intime dans l'immensité du O2 Arena, ça augurait mal. «Puis juste avant la deuxième chanson, ajoutait Roscoe Beck, Leonard a dit au public: «C'est merveilleux d'être rassemblés ici, juste de l'autre côté de l'intimité.» La glace était brisée!»

 

Si Leonard Cohen était nerveux, rien n'y paraît dans ce spectacle filmé le 17 juillet 2008. Cohen, le sage, a l'air tellement épanoui, tellement en paix avec lui-même et avec ce public chaleureux que sa sérénité et son bonheur rejaillissent sur ses excellents musiciens et chanteuses. Le pouvoir de ses chansons «intimes» opère parfaitement, et le chanteur à la voix d'or et au verbe foisonnant impose aux 16 000 spectateurs une forme de recueillement.

 

Le Cohen pince sans rire, maîtres ès autodérision et ironie, est aussi de la partie. Avant Tower of Song, il raconte: «J'ai pris un verre avec mon vieux professeur, il a 102 ans aujourd'hui, il devait en avoir 97 à l'époque. Il m'a dit: «Excuse-moi de ne pas mourir». Je me sens un peu comme lui.» À 73 ans - il fêtera ses 75 ans en octobre - Leonard Cohen est suffisamment en vie pour se donner pendant 2h40 puis sortir de scène en sautillant.

À défaut de le voir en personne, ce DVD est ce qu'il y a de mieux pour apprécier Leonard Cohen. Tout y est montré, sans tricherie, même quand le chanteur trébuche légèrement dans le texte de Bird on the Wire. Un seul bémol: la réalisation, la caméra, le montage font un peu beaucoup amateur. Soulignons qu'on peut lire le texte de chacune des chansons à l'écran et voir Cohen l'interpréter sur scène tout de suite après.

Beck, le barbare

De la sainte trinité des guitaristes des Yardbirds, Jeff Beck a longtemps été mon préféré. Clapton est plus subtil, plus coulant, et Page a sans douté été plus fou, mais Beck est un chat de gouttière, un guitariste sauvage, sans concession, barbare comme il qualifie lui-même son riff dans le blues pesant Big Block.

En décembre 2007, Beck a donné cinq concerts d'affilée dans une boîte de jazz de Londres. Le soir de l'enregistrement de ce DVD, Jimmy Page était dans la salle, tout sourire, - comme Robert Plant d'ailleurs - et Eric Clapton est monté sur scène le temps de deux standards de blues: Little Brown Bird de Muddy Waters et You Need Love de Willie Dixon dont Led Zep s'est «inspiré» pour son Whole Lotta Love. Les autres invités de Beck ne sont pas non plus des deux de pique. Joss Stone, jeune Janis en plus proprette, ne manque pas de soul quand elle reprend People Get Ready de Curtis Mayfield, mais elle ne fait pas oublier Rod Stewart, le frère jumeau de Beck. Et la chanteuse Imogen Heap est irrésistible de charme et de bagout. Ces invités se retrouvent uniquement sur le DVD, pas sur le CD.

Beck commence très fort avec son Bolero, écrit il y a plus de 40 ans avec Jimmy Page, et il étonne en reprenant en version instrumentale A Day in the Life des Beatles. Il confesse son admiration pour le John McLaughlin du Mahavishnu Orchestra, mais là où d'autres adeptes du fusion noient leur musique dans une soupe indigeste de claviers, la guitare rebelle de Beck est toujours là pour garder le fort. Heureusement.

Jetez un oeil - et ouvrez grandes les oreilles! - au trio qui accompagne Jeff Beck, le batteur Vinnie Colaiuta, le claviériste Jason Rebello et surtout la jeune bassiste australienne Tal Wilkenfeld - on jurerait une enfant - que Beck compare à Jaco Pastorius. Ça vous donnera encore plus envie d'aller les applaudir au Festival de jazz, le 6 juillet prochain. Et ne manquez pas l'interview de Beck en supplément. L'homme est nettement plus à l'aise avec sa guitare-mitraillette, mais ce qu'il raconte sur son parcours musical et ses rencontres est fascinant.

_______________________________________

LEONARD COHEN

Live in London

1 DVD ou 2 CD

COLUMBIA SONY MUSIC

****

En magasin mardi

JEFF BECK

Performing this week... Live at Ronnie Scott's

1 DVD ou 1 CD

EAGLE VISION

EAGLE RECORDS

***

En magasin mardi