Greg Osby n'a pas joué à Montréal depuis une mèche. C'était en 1997, pour être précis. Il venait alors de lancer Art Forum, un des meilleurs albums de jazz créés au cours de cette période. On ne l'a plus revu depuis sur une scène montréalaise, on a dû suivre son travail de loin, en se procurant ses albums sur l'étiquette Blue Note, avec qui le compositeur visionnaire et saxophoniste virtuose n'est plus associé.

Ce week-end, Greg Osby est l'invité de Samuel Blais, un jeune saxophoniste alto dont on a découvert Where to Go, son premier album lancé en 2008 sur l'étiquette montréalaise Effendi - qui, soit dit en passant, fête ses 10 ans ce soir et demain à l'Espace Dell'Arte, dans le cadre du festival Jazz en rafale. Samuel Blais, lui, se produit ce soir et demain au bar Upstairs avec sa propre formation et son invité spécial. Nous avons joint ce dernier hier à Boston, où il enseigne à la fameuse Berklee School of Music.

«Samuel a étudié avec moi à Banff, en Alberta. Il est venu ensuite à New York pour prendre des leçons privées. Il est un merveilleux saxophoniste, vous savez. Lorsqu'il m'a fait cette offre de venir jouer avec lui à Montréal, j'ai trouvé l'idée belle, car il est rare que l'on trouve deux joueurs de saxophone alto sur une même scène. J'en profiterai aussi pour donner des classes de maître à Montréal», indique Greg Osby au bout du fil.

On l'a souvent répété, les jazzmen de réputation internationale sont répartis dans deux classes économiques: ceux qui sont associés aux multinationales (Nonesuch, Blue Note, Verve, Columbia...) et les autres, aussi talentueux mais moins veinards parce qu'ils doivent se rabattre sur des labels indépendants, souvent mal diffusés. Greg Osby, s'est pris en mains au terme d'une longue association avec Blue Note: il a fondé l'étiquette Inner Circle Music.

«C'est toujours difficile, mais je me sens plus à l'aise dans ce contexte. Avec ma propre compagnie, je peux produire sans contraintes artistiques les enregistrements qui attestent de mon travail, sans l'intervention d'une étiquette de disque qui espère que je vende des centaines de milliers d'albums.»

«Blue Note n'a jamais mis la pression, remarquez. J'avais négocié mon contrat avec l'étiquette pour que cela ne se produise jamais; il y était stipulé qu'on ne pouvait m'obliger à faire autre chose que ce que je désirais en tant que leader ou compositeur. En fait, j'ai fondé Inner Circle Music parce que je voulais rester propriétaire de mon travail. Blue Note possède tout ce que j'ai accompli pour ce label, on pourrait en altérer le contenu parce que je n'en ai pas les droits. J'étais arrivé à un point où je voulais exercer un contrôle absolu sur mon art.»

Ainsi, l'étiquette Inner Circle Music accueille de jeunes musiciens et compositeurs en plus d'avoir lancé Nine Levels, le 17e album de Greg Osby en tant que leader. «J'aime nourrir le talent de jeunes musiciens qui, selon moi, pourraient devenir des stars du jazz contemporain. Ces jeunes méritent qu'on leur accorde toute la liberté nécessaire à leur création, qu'on présente leur travail avec soin, qu'on ne leur impose pas des sessions de trois heures faites à la hâte. Dans cette optique, j'ai vraiment l'intention de créer et produire de nouveaux classiques.»

L'album Nine Levels, qui évoque neuf valeurs importantes pour Greg Osby, s'inscrit parfaitement dans le corpus exceptionnel de ce jazzman qu'on a découvert au milieu des années 80, alors qu'il était associé à cette mouvance avant-gardiste de Brooklyn - Steve Coleman, Geri Allen, Cassandra Wilson, etc.

«Ce groupe réunit la chanteuse portugaise Sara Serpa, que j'ai découverte sur MySpace, et dont j'utilise la voix comme un véritable instrument. Joseph Lapore est un bassiste qui a grandi en Italie, le pianiste Adam Birnbaum de Boston, le batteur Hamir Atwal et le guitariste Nir Felder de New York. Tous ces musiciens interprètent ma musique avec grâce et vigueur. Ils la jouent exactement comme je l'ai conçue. Ainsi, je suis fier d'avoir pu rassembler les meilleurs joueurs disponibles, d'enregistrer mon travail dans de très bonnes conditions et de jouer mon matériel original.»

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Ce soir et demain au Upstairs, l'ensemble du saxophoniste Samuel Blais accueille le saxophoniste américain Greg Osby.