Après les Blind Boys of Alabama et les Innocent Criminals, Ben Harper s'allie à un nouveau groupe: Relentless 7. La bande lancera mardi White Lies for Dark Times, avant de jouer le 12 mai au Métropolis. Ben Harper nous en parle de l'Alabama.

L'histoire de Relentless 7 commence sur la banquette arrière d'une camionnette, quelque part au Texas en 1999. Ben Harper se rend alors à un concert. Il est conduit par Jason Mozerky, chauffeur pour un promoteur musical du coin. L'homme demande s'il peut lui faire entendre son démo. Harper accepte. Il ne le regrettera pas.

 

«J'étais en état de choc, se souvient-il. Sa musique résonnait profondément en moi, comme si elle comblait un besoin. Je lui ai dit: fais-m'en entendre une autre. Et ça devenait encore meilleur. Juste avec son démo, il a fait ma journée.»

Harper décide d'aider le chauffeur à décrocher un contrat de disque. Ça fonctionne. Mais Wan Santo Condo, le groupe de Mozerky, sera dissous en 2005.

Harper n'avait pas oublié le chauffeur. Il le rappelle alors pour que lui et deux de ses comparses le joignent dans les sessions d'enregistrement de Both Sides of the Gun. «Vient un moment dans la vie où il faut reconnaître les occasions spéciales, explique Harper. Je ressentais ce genre de possibilité avec eux. Il fallait que je les réinvite. Après deux ou trois chansons jouées ensemble, mon instinct m'a donné raison.»

Relentless 7 était né. Il est monté pour la première fois sur scène au Vote for Change Tour en appui à Barack Obama, juste avant les Beastie Boys, devant 10 000 personnes. Des concerts dans de petites boîtes américaines ont suivi pour «souder» le groupe avant la tournée du disque White Lies for Dark Times.

Ben Harper y reste Ben Harper. Éclectique sans trop transcender les genres qu'il touche - rock, blues, folk et funk (un peu). Ses inconditionnels frissonneront sûrement en écoutant Skin Thin, une ballade plaintive et accrocheuse. Sur Up To You, on constate que son chant n'a pas perdu sa richesse expressive. Fragile et vulnérable, il puise directement de son plexus ce récit sur l'avenir vécu comme un vide. Quant au premier simple, Shimmer and Shine, il parle encore de l'amour comme d'une lanterne dans la nuit.

D'autres chansons comme Number With No Name sont plus musclées, un peu à l'image de ses concerts. On le lui fait remarquer. Il hésite. «Bien... Je ne pense pas que Relentless 7 me donne un son plus lourd. Pense à de vieilles chansons comme Black Rain, Better Way et Glory and Consequence. C'était assez lourd aussi, tu sais. Je dirais plus simplement que Relentless 7 m'amène ailleurs.»

Harper s'abandonne plus que jamais à son «instinct créatif», poursuit-il. «C'est en devenir perpétuel. Il faut le vivre plutôt que d'essayer de le contrôler ou le rationaliser. Tu sais, ma vie n'est pas un cahier à colorier. Je ne me cantonne pas dans les lignes tracées à l'avance.»

Comme un haïku

On demande à Harper si le Dark Times réfère à un contexte sociopolitique ou plutôt à une histoire personnelle. Silence de six secondes.

«Ce n'est pas à moi de le dire. C'est à toi. Selon moi, un bon titre se tient tout seul. Il ne requiert pas d'explication. Un peu comme un haïku, tu vois. Deux personnes peuvent comprendre très différemment une même oeuvre, ce que je trouve parfait. Tout ce que je souhaite, c'est que les gens s'investissent assez dans mon disque pour en retirer une interprétation personnelle.»

Lui-même dit aimer se perdre dans des oeuvres «éblouissantes», comme In The Heart of The Sea, roman sur les baleiniers de Nantucket qu'il a récemment terminé.

Le musicien de 39 ans reste aussi discret sur les inspirations musicales de White Lies for Dark Times. «Ce qu'on écoutait en composant, c'était nous-mêmes. On voulait être complètement réceptifs à la communication entre nous.»

Il s'emballe au sujet de la facture live de la réalisation. «On me le dit souvent, et je ne m'en lasse jamais. Ce qu'on entend, c'est quatre gars qui font de la musique ensemble. Aussi simple que cela. Bien sûr, il y a certains overdubs, solos et harmonies ajoutés. Mais sur chaque chanson, on enregistrait nos pistes en même temps dans la même pièce.»

Fin des autres collaborations?

Relentless 7 signifie-t-il la fin des collaborations avec les Blind Boys of Alabama ou les Innocent Criminals, avec qui Harper a enregistré des disques? «Disons que je ne peux garder un pied dans chaque groupe et trouver le temps de m'y investir assez pour créer des choses intéressantes. Cela, c'est certain. Et en ce moment, j'avance à pleine vitesse avec Relentless 7. Mais aucune porte n'est fermée à jamais.»

Ben Harper, en concert le 12 mai, 20h, au Métropolis, dans le cadre de la série Jazz à l'année.