La soirée commence par des airs d'été dans un bourdonnement de Vespa aux couleurs toniques et se termine par un ballet de couvercles de pupitre qui s'ouvrent et se referment sur l'air de School's out, le classique d'Alice Cooper. C'est entre ces deux numéros placés sous le signe des vacances que Star Académie a donné le coup d'envoi d'une tournée de 23 représentations dans sept villes du Québec, vendredi soir, dans un Centre Bell bondé.

Star Académie, le spectacle, c'est 40 chansons d'une diversité qui confine à la schizophrénie stylistique puisqu'elles nous font passer de Jean Leloup à Johnny Hallyday, de Louise Attaque à Eddie Marnay, de Fred Fortin à Ricky Martin.

Les chansons déboulent, les académiciens caracolent et le public, toujours aussi amoureux de ses jeunes diplômés de l'Académie, en redemande.

Star Académie, le spectacle, c'est aussi une immense scène munie d'une passerelle qui mène à un plateau tournant sur lequel les académiciens viennent chanter en choeur ou tourner comme des toupies sur un microsillon. Et quand ils quittent la plaque tournante, c'est parfois pour monter, en groupe ou en solo, sur une plate-forme mobile semblable à une plate-forme pétrolière qui s'élève jusqu'à la voûte du plafond et donne le vertige autant à ceux qui s'y trouvent qu'à ceux qui les regardent.

Star Académie, le spectacle, c'est enfin 14 jeunes hommes et femmes pleins d'énergie, de bonne foi et de bonnes vibrations, mais qui n'ont pas beaucoup de métier, pas beaucoup de maîtrise et qui auraient eu besoin d'au moins deux mois de répétitions supplémentaires pour être à la hauteur de l'immense commande qu'ils doivent remplir en deux heures.

Mais comme le temps pressait et qu'il fallait profiter de l'engouement créé par les émissions de télévision, on a lancé les académiciens dans l'arène en espérant que le public n'y voie que du feu.

Le résultat, c'est un spectacle de fin d'année avec tout ce que cela suppose de fougue, d'énergie nerveuse et de bonne volonté, mais aussi de maladresses, de fausses notes, d'amateurisme et de manque de cohésion. Certaines failles du spectacle sont directement imputables aux académiciens, qui n'ont pas les meilleures voix au monde et qui, par moments, faussent à vous en fendre les tympans. C'est le cas de Rich Ly dans la version acoustique de Baby One More Time de Britney Spears. Le cas de Vanessa Duchel dans À ma manière, une chanson de Diane Juster où elle tente d'égaler Ginette Reno sans y parvenir. Et aussi le cas de William Deslauriers, qui fait de son mieux mais n'arrive pas à sauver du massacre No Woman No Cry, le classique de Bob Marley.

Les fausses notes ne sont pas l'unique problème d'un spectacle dont la mise en scène est étonnamment dépourvue d'originalité. Étonnamment parce que le metteur en scène et directeur artistique Jean Lamoureux nous avait habitués à mieux et à plus sophistiqué, aussi bien dans les galas du dimanche à la télé que dans la tournée 2005 de Star Académie, qui était un petit bijou de mise en scène. Ici, même l'imposant dispositif technique dont il dispose et qui lui permet d'envoyer les académiciens en orbite ne semble jamais être exploité à son plein potentiel. De sorte qu'on a souvent l'impression de voir toujours la même mise en scène statique d'un numéro à l'autre.

Du côté des costumes, même manque d'inspiration. Les académiciens semblent avoir enfilé la première chose qui leur est tombée sous la main. Si c'était l'effet voulu, alors c'est réussi. Autrement, un peu d'unité et de vision auraient été de mise.

Il y a malgré tout, dans cette quatrième cuvée, des moments de grâce. Et je ne parle pas nécessairement des ballades tristes à gros trémolos lancées expressément pour émouvoir la foule selon un calcul qui marche à tout coup, comme en font foi les ovations qu'ont récoltées à tour de rôle Maxime Landry, Maxime Proulx et Vanessa Duchel. Je parle de moments plus subtils, comme cette jolie chanson de Serge Gainsbourg Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve, chantée en duo par Maxime Landry au piano et par la belle et grande Sophie Vaillancourt. Je parle du sourire rayonnant et de la voix puissante de Brigitte Boisjoli interprétant Au fond de moi tout en se lançant dans le vide. Je parle de Carolanne et de Maxime Landry qui chantent avec un supplément d'âme You've Got a Friend, de Carole King.

Exceptionnellement, pour ce coup d'envoi donné au Centre Bell, on a fait appel à des invités surprises. Les Denis Drolet ont brisé la glace en surgissant d'une cursive avec leurs cheveux trop longs et leurs sempiternels habits bruns. Michel Rivard est venu chanter avec ses anciens élèves la chanson qu'ils ont composée ensemble. Mais Marie-Mai fut sans contredit l'invitée la plus marquante. Moulée dans une minirobe noire, l'ex-académicienne est venue interpréter une de ses propres compositions (Emmène-moi) avec Carolanne. Or, jusqu'à ce moment-là, la gagnante des filles de 2009 faisait belle figure avec son joli visage, ses longues jambes, son timbre de voix chaud et son registre ample qui lui permet d'être aussi à l'aise dans du Carole King que du Lady Gaga.

Mais à côté d'une Marie-Mai en pleine possession de ses moyens, qui sait toujours quelle note amplifier et quel geste retenir pour un maximum d'efficacité scénique, la prestation de Carolanne semblait brouillonne et ne faisait tout simplement pas le poids. Sur le coup, j'ai pensé que la présence de Marie-Mai était une erreur de casting. Mais à bien y penser, Marie-Mai est l'exemple parfait de l'avenir radieux qui attend un jour les académiciens s'ils persévèrent. En attendant cependant, la plupart devront refaire leurs devoirs.