Jusqu'à ce jour, James Blackshaw n'avait jamais mis les pieds au Québec. Il y jouit néanmoins d'un buzz certain, du moins dans la mouvance des Suoni Per Il Popolo dont il est l'invité, ce soir à la Sala Rossa.

D'aucuns considèrent ce Britannique de 27 ans comme l'un des jeunes musiciens les plus intéressants de cette cohorte pour laquelle l'instrument de prédilection est la guitare acoustique à cordes de métal.

Vu le caractère inédit de son style et des genres musicaux qui le traversent, on ne peut associer exclusivement James Blackshaw à la planète folk, qui a son lot de virtuoses tels Robbie Basho et John Fahey, influences déterminantes pour notre interviewé.

«Je proviens du rock indie et punk, je ne renie pas mes origines. Je trouve un certain avant-gardisme dans certaines expressions punk, mais je ne pourrais plus me limiter à ce genre. Ça me rendrait fou!» explique James Blackshaw, joint à son domicile de Hastings, dans l'East Sussex.

«Adolescent, je jouais de la guitare électrique au sein de plusieurs groupes punk ou indie alors que je vivais à Londres. Je n'ai pas de formation classique, je suis autodidacte. Au début de la vingtaine, je me suis mis à l'écoute d'autres genres que le rock: musique classique, minimalisme américain des années 60 (Philip Glass, Steve Reich, etc.), musique européenne moderne (Arvo Pärt, Henryk Górecki, etc.), folk contemporain, etc. Tout en changeant mon approche à la guitare, j'ai tenté de lier ces influences disparates dans mes compositions.»

Avec succès, force est de constater à l'écoute de l'album The Glass Bead Game.

Comme l'a déjà souligné son collègue Michael Gira, ex-Swans qui l'accueille sur son label (Young God Records) et qui partage le programme de ce soir à la Sala Rossa, on imagine James Blackshaw s'être barricadé dans une pièce pendant plusieurs années pour ainsi acquérir cette expertise guitaristique et cette singularité compositionnelle qui lui sont propres.

À l'oreille, on devine la délicatesse du musicien. Certes pas un esprit agressif malgré ses débuts rock! Il pèse ses mots avant de fournir des réponses aussi douces qu'assurées.

«J'aime les musiques romantiques, soulève-t-il en outre. Je ne me cache donc pas dans la rigueur et l'austérité. Le fait d'être autodidacte m'a peut-être permis cette liberté de mélanger les cultures musicales. Je ne cesse néanmoins de poursuivre mon éducation - lecture à vue, théorie musicale, etc. Je me forme moi-même, et je m'applique surtout à suivre mon intuition. Lorsque je compose ou je joue, je ne distingue plus les genres qui m'ont marqué.»

Cette trajectoire autodidacte a aussi autorisé James Blackshaw à s'inspirer du jeu d'autres instruments pour en ramener certaines caractéristiques dans son jeu de guitare.

«J'imagine que ça confère à ma musique une fraîcheur que je n'aurais pas si je n'écoutais que des guitaristes. Pour un guitariste, il est très utile de savoir comment joue un violoniste ou un violoncelliste. Je crois que cette façon de faire est toujours saine.»

Si la priorité de James Blackshaw est sa musique en solo (surtout pour guitare, parfois pour piano), on repère des éléments orchestraux dans ses enregistrements - voix, cordes, piano, etc. «Jusqu'à maintenant, nuance-t-il, ma musique est surtout écrite pour la guitare.

À Montréal, je jouerai peut-être du piano si je trouve le moyen de répéter et retrouver la forme au clavier. Mais je jouerai surtout (ou exclusivement) de la guitare 12 cordes.»

Puisqu'il a débuté dans le rock, James Blackshaw tient à conserver une part de cette esthétique sans laquelle il ne serait pas devenu musicien: «Je joue d'un instrument acoustique en conservant une certaine attitude rock. Je tends néanmoins à plus de complexité, un peu comme une araignée tisse sa toile. Ça en devient un besoin physique.»

Dans le cadre des Suoni Per Il Popolo, James Blackshaw se produit ce soir, 20h30, à la Sala Rossa. Il partage le programme avec Michael Gira (Swans, The Angels of Light, etc.), Greg Davis et Chris Weisman.