«Si on dit que la Saint-Jean est la fête de tous les Québécois, ça inclut tout le monde. Pas juste les nationalistes, mais les libéraux, les adéquistes, les péquistes, les communautés ethniques et les Anglais qui ont envie de fêter la nation québécoise. Ce n'est pas nous qui décidons qui a le droit de fêter le Québec.»

Guy A. Lepage, qui sera aux commandes du spectacle du 24 juin au parc Maisonneuve, se désole des remous provoqués par l'inclusion d'artistes anglophones dans le spectacle L'Autre Saint-Jean, présenté dans le quartier Rosemont. Entendre un artiste chanter en italien, en arabe ou même en wolof au grand spectacle du parc Maisonneuve ne semble heurter personne. L'anglais, c'est le dernier tabou. Des pressions ont été exercées, de vagues menaces proférées, les artistes concernés - Bloodshot Bill et Lake Of Stew - se sont crus exclus avant d'apprendre que, non, l'invitation était maintenue.

«Je suis content que cet abcès ait été crevé», dit l'animateur de Tout le monde en parle.

Reprenant une image empruntée au chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, il affirme que s'il y a des «rednecks» au Canada anglais, il y a des «cous bleus» au Québec. «Les cous bleus, ils m'écoeurent, dit-il. Je ne veux pas être un cou bleu. Je ne veux pas imposer un dogme de citoyens de première et de deuxième qualité. Ça me pue au nez.»

Guy A. Lepage n'a absolument rien contre la présence de l'anglais dans une célébration de la Fête nationale. Au contraire. «Que deux groupes anglophones aillent chanter à la Saint-Jean plutôt que d'aller chanter à la fête du Canada, mettons, je trouve que c'est un geste d'amitié et de respect, ajoute-t-il. Je trouve ça extrêmement touchant.»

L'animateur ne connaît ni l'un ni l'autre des groupes concernés, mais il souligne d'emblée leur élégance. «Je trouve que, dans tout ce débat, ce sont les personnes qui ont le mieux réagi à la situation», analyse-t-il, constatant que ni Bloodshot Bill ni Lake Of Stew n'a cherché à semer la bisbille quand ils se sont crus exclus et que c'est avec le sourire qu'ils ont accepté d'y revenir.

Florence K, qui sera du spectacle au parc Maisonneuve, affirme d'emblée comprendre «le principe» de vouloir célébrer en français une fois par année, mais ne croit pas que la langue anglaise doive encore être un objet de «hargne» et de «haine». Elle ne croit donc pas qu'il faille bannir cette langue en particulier de la Fête nationale. «Si on avait un line-up composé de 15 groupes anglophones, O.K., mais là, il n'y en a que deux», souligne-t-elle.

Du déjà-vu

Il se passe rarement une année sans qu'une controverse, petite ou grande, éclate à la veille de la Fête nationale. En 2001, c'est la chanson Chez nous de Daniel Boucher qui a soulevé un petit vent de panique. Une enseignante du primaire trouvait que ce texte écrit dans une langue proche du joual et distribué dans les écoles constituait un mauvais exemple pour la jeunesse. Trois ans plus tard, trouvant le spectacle «officiel» du parc Maisonneuve pas assez politisé à leur goût, Les Cowboys Fringants conviaient leurs fans à une Saint-Jean engagée dans l'île Sainte-Hélène. Loco Locass et Mononc' Serge s'étaient notamment joints à eux.