Jamie Cullum a quelque chose du petit gars dissipé que le prof avait à l'oeil, mais qui avait toujours le meilleur bulletin de la classe. Le spectacle flamboyant qu'il a donné hier soir à la salle Wilfrid-Pelletier était l'oeuvre d'un jeune homme extrêmement doué qui est allé à la bonne école du show-business.

Quand, pendant Twentysomething, il a dit au public qui lui mangeait dans la main que c'était sa dernière chance de la chanter avec lui parce qu'il aurait 30 ans en août prochain, j'ai revu le jeune Bruce Springsteen qui, faisant mine d'être à bout de forces, lançait au public new-yorkais : «Je suis vieux, j'ai 30 ans!»

Et comment ne pas penser au jeune Springsteen quand Cullum prend un bain de foule en se pointant parmi les spectateurs au beau milieu du parterre pour chanter a cappella Caravan de Duke Ellington? L'instant d'après, il était assis sur le rebord de la scène, entouré de spectateurs, pendant que ses quatre musiciens, qui l'avaient suivi dans la salle, prenaient chacun un solo bien senti.

On a vu le Jamie Cullum qui monte sur son piano et saute sur la scène, celui qui fabrique un rythme intéressant en tapochant sur son piano, tout autour et même en-dessous, tout en chantant un air de blues sans micro. Pourtant, si on s'est tous amusés comme des petits fous, jamais on n'a eu l'impression que le surdoué britannique nous traînait de force au cirque.

Au contraire. Quand il nous a joué au piano électrique le standard What a Difference a Day Made comme une ballade bluesée, sans autre accompagnement que sa section rythmique, les spectateurs ont goûté pleinement son solo. Comme ils ont applaudi chaudement sa fort belle composition London Skies qu'il a chantée tout seul en jouant de la guitare acoustique, sans esbroufe ni clin d'oeil. Son interprétation, seul au grand piano, de la chanson-thème du film Gran Torino, qu'il a écrite sur un thème de Clint Eastwood, était aussi sobre qu'intense.

Et même quand il a lancé le spectacle en reprenant Don't Stop the Music de Rihanna - chanson qui sera sur son prochain album prévu pour octobre - et qu'il a enchaîné avec une version en forme de coup de chapeau de Thriller de Michael Jackson, il s'est donné entièrement, et sérieusement, à sa musique.

De son prochain album, il nous a aussi proposé deux chansons pop au succès assuré: Love Ain't Gonna Let You Down, qu'il a présentée comme «une chanson d'amour aux accents (légèrement) country» et I'm All Over It Now, sorte de croisement entre «la power pop du Elton John des années 70 et Ray Charles» pour laquelle il a rappelé Hilary Kole, qui faisait sa première partie. Parce que Jamie Cullum a aussi ce talent-là, pas si courant, d'écrire des chansons qui séduisent dès la première écoute.

Je suis parti juste avant le rappel, Cullum et sa bande venaient d'enflammer la salle avec The Wind Cries Mary d'Hendrix. Et je me suis dit que la prochaine fois, qui ne saurait tarder puisque le nouvel album s'en vient, je resterais jusqu'à la toute dernière minute.

Je vous souhaite d'y être, vous aussi.