Il y a deux ans que Pink Martini ne s'est pas pointé à Montréal. Le collectif de Portland, en Oregon, est de retour pour deux concerts à guichets fermés et se prépare à lancer deux albums en six mois.

Thomas M. Lauderdale répond au téléphone et me demande de le rappeler dans deux minutes, le temps que le pianiste et fondateur de Pink Martini s'installe dans le camion-remorque qui le mènera au studio où il mettra la touche finale au quatrième album du groupe américain. Les chansons sont toutes enregistrées et Pink Martini en interprète déjà quelques-unes en concert après un congé de six mois au cours duquel la chanteuse China Forbes est devenue maman.

Ce nouvel album, Lauderdale dit qu'il sera dans la continuité des Sympathique, Hang on Little Tomato et Hey Eugene!, mais peut-être un peu plus léger: «Alex Morashian, mon meilleur ami depuis le collège, réalise le disque avec moi et il n'a jamais fait d'album auparavant. On dirait presque que c'est un premier album, il y a là-dedans une espèce de vitalité, d'énergie, d'innocence. Alex apprécie toutes sortes de musiques. C'est lui qui m'a fait connaître la chanson No hay problema du film Les Liaisons dangereuses (sur l'album Sympathique) et qui m'a initié à la musique de Henry Mancini il y a 25 ans.»

Ce quatrième album de Pink Martini sortira en octobre prochain et sera suivi, au printemps 2010, d'un disque live enregistré avec l'Orchestre symphonique de l'Oregon le mois dernier, dont ils nous joueront quelques extraits demain et mercredi à la salle Wilfrid-Pelletier. «Par exemple, une version très lente et belle de Quisàs Quisàs, Quisàs et Uska Dara, une chanson turque rendue célèbre en Amérique par Eartha Kitt, ainsi que, je l'espère, Pièce en forme d'habanera de Ravel, énumère Lauderdale. En plus, China (Forbes) va chanter un aria d'opéra.»

Au Festival de jazz de 2007, Pink Martini était accompagné d'une section de cordes. Cette fois, c'est un orchestre d'une cinquantaine de musiciens qui l'accompagnera. Rien de nouveau pour ce groupe américain pas comme les autres qui a maintes fois travaillé avec de grands orchestres depuis le milieu des années 90.

«Cela tient au fait que nous n'étions pas au départ une bande de jeunes qui voulions former un groupe dans l'espoir de devenir des rock stars, explique Lauderdale. En plus, nous étions indépendants des grandes compagnies de disques. Notre carrière s'est bâtie en jouant avec des orchestres symphoniques; rien que dans notre pays, nous avons dû jouer avec 30 différents orchestres.»

Des ambassadeurs heureux!

En puisant constamment dans les musiques d'autres pays et en chantant dans plusieurs langues, Lauderdale et la chanteuse China Forbes ont voulu prouver à la face du monde que les Américains n'étaient pas tous aussi insulaires qu'on l'a cru pendant le règne de George W. Bush. On se doute bien que ces ambassadeurs musicaux se réjouissent de l'élection de Barack Obama.

«Au cours des huit dernières années, l'image des États-Unis a été ternie parce qu'il y avait un idiot à la Maison-Blanche, lance Lauderdale. Enfin, peut-être pas un idiot, mais - et c'est de plus en plus clair - quelqu'un qui a mis le pays en faillite. Je ne pensais pas voir de mon vivant un président américain noir. Mais quand les choses vont mal, les gens se serrent vraiment les coudes. La jeune génération y est pour beaucoup dans ce changement.»

Bien avant d'être connu au Québec, Pink Martini a été consacré en France. L'an dernier, Lauderdale et Forbes ont collaboré à deux chansons sur un album de Georges Moustaki et il y a deux ans, ils ont invité le regretté Henri Salvador à chanter pour la première fois de sa carrière au Hollywood Bowl.

«Si nous ne faisons pas une chanson en français, les Français vont nous tuer!» rigole Lauderdale. Puis, sans avertissement, il me chante au téléphone Où est ma tête?, une chanson folichonne qui sera du quatrième album.

«Nous avons eu la chance de voyager en Grèce, en Turquie, en Australie, en Espagne, au Liban, à Damas, en Angleterre, mais la France est notre vaisseau amiral, reprend-il. Notre chanson Sympathique est sortie au moment où la réduction de la semaine de travail était le sujet de l'heure en France. Tout le monde peut s'identifier aux paroles «Je ne veux pas travailler», moi aussi je préférerais aller à la plage! En plus, Citroën a utilisé Sympathique dans une pub.»

Par la suite, les publicitaires se sont bousculés pour associer leurs produits de luxe, de Lexus à Cartier, à la musique chic de Pink Martini. «Je sais, dit Thomas Lauderdale d'un ton las, avant d'éclater de rire. J'ai des sentiments partagés à propos de la pub en général. Cela étant dit, si ce n'était de la pub, je n'aurais jamais été capable d'acheter mon immeuble, dont la structure, qui remonte à 1870, tombe en ruine...»

______________________________________________________________________

Pink Martini, salle Wilfrid-Pelletier, les 7 et 8 juillet, 19 h 30. À guichets fermés.

 

En un mot

Un groupe à la musique élégante et sans frontière, et dont la chanteuse est lumineuse.

Album essentiel

Hey Eugene!