La réputation de mélomanes des Britanniques n'est plus à faire. Si la musique est leur culte, les festivals sont devenus leurs rites de célébration. Depuis 10 ans, le nombre de festivals de musique est monté en flèche en Grande- Bretagne. Si bien qu'ils sont devenus des destinations de vacances. Notre collaboratrice s'est penchée sur ce phénomène.

Le parc Victoria, dans l'est de Londres, est normalement envahi par les joggeurs et les équipes de foot. Le 18 juillet dernier, des milliers de personnes chaussées de sandales et de bottes de pluie (été londonien oblige!) foulaient la pelouse vers l'entrée du festival Lovebox, un des 630 festivals de musique en Grande-Bretagne.

 

Les festivaliers dans la vingtaine et la trentaine (Duran Duran étant en tête d'affiche) déambulaient entre les kiosques de nourriture, les manèges et les scènes de spectacle. Au menu: rock, hip-hop, techno et... musique celtique!

Nicola Tramontini, 23 ans, s'était coiffée de plumes à l'amérindienne. Elle compte aller à quatre festivals cet été. «C'est comme des vacances pendant le week-end. Tu as le choix entre tellement d'activités et de concerts», dit-elle, les yeux ronds comme des 45 tours.

«Je préfère l'ambiance des festivals à celle des pubs», renchérit son ami, David Wild, 27 ans.

Quelle récession?

Nicola et David font partie des deux millions de Britanniques qui danseront dans la boue et dans la bière au son de leurs groupes favoris cet été. Qu'ils aient lieu à la campagne ou dans un parc urbain, les festivals de musique, d'une durée de deux ou trois jours, ont la cote.

Entre les années 2000 et 2008, leur nombre est passé de 12 à... 630! Et la plupart affichent complet bien avant que le premier piquet de tente ne soit planté.

Glastonbury, surnommé le «papi des festivals», a vendu ses 177 000 billets cinq mois à l'avance cette année. Pour les festivals de Reading et Leeds, 200 000 billets se sont envolés en 24 heures. Vous avez dit «récession»?

«C'est devenu la chose cool à faire, affirme le journaliste du magazine NME, Hamish MacBain. J'ai des amis trentenaires qui ne se seraient jamais approchés d'un festival il y a cinq ans. Maintenant, ils veulent tous y assister.»

Pourquoi cette frénésie? Glastonbury est télévisé sur la BBC depuis une dizaine d'années. Cette visibilité a propulsé les festivals dans la culture populaire.

«Aujourd'hui, la couverture est incroyable. On peut suivre n'importe quel spectacle à n'importe quelle heure sur cinq ou six chaînes», dit M. MacBain.

Une aubaine

Aussi, la sécurité est meilleure. Terminé, le temps où rebelles et petits bandits sautaient par-dessus les barrières.

Les festivals deviennent même des destinations de vacances pour de jeunes familles.

«De jeunes parents emmènent leurs enfants à T in the Park, en Écosse, pour voir Franz Ferdinand et Kings of Leon, puis ils terminent la semaine à Loch Ness», explique Will Page, économiste à PRS For Music, une agence de recouvrement de droits d'auteur.

Pour Melvin Benn, promoteur depuis les années 80, les festivaliers aiment l'idée de faire une bonne affaire. «C'est une aubaine pour eux. Ils voient leurs groupes préférés pour moins cher que s'ils allaient les voir individuellement», dit le directeur de Festival Republic.

Les artistes et étiquettes de disque nourrissent cet engouement, les festivals étant devenus des vaches à lait pour l'industrie. En 2008, les revenus des concerts ont surpassé ceux des ventes d'albums pour la première fois au pays.

Et les retombées des festivals sont considérables: 800 millions de dollars (450 millions de livres sterling) pour l'économie cette année.

Mais au-delà des chiffres, il y a la magie. Nick Peers, qui a 20 festivals Glastonbury derrière la cravate, se souvient d'une fois où il est tombé par hasard sur le test de son de Radiohead, peu avant l'entrée sur scène du groupe.

«Ce genre de moments n'a pas de prix. Et il y a une camaraderie assez unique entre les festivaliers. Je me souviens d'un soir où j'ai parlé à au moins 200 personnes. Bon, d'accord, j'étais déguisé en reine médiévale... mais c'est pourquoi j'adore les festivals», dit le fanatique de musique, qui retournera encore à Glastonbury l'année prochaine.

À chacun son festival...

La variété des festivals de musique est très grande en Grande-Bretagne, où l'on en dénombre 630. Tout le monde y trouve son compte.

Les jeunes de moins de 18 ans ont le leur, baptisé (quoi d'autre?) Underage Festival. Les amoureux de la musique du monde peuvent se rabattre sur Africa Oyé et Womad, fondé par Peter Gabriel. Même les nostalgiques de la musique swing et du son de Glenn Miller ont leur événement, Twinwood, qui a déjà accueilli Tony Bennett. Rick Astley et Kim Wild, deux comètes de la pop des années 80, ne chômeront pas cet été grâce à 80's Rewind.

Les inconditionnels du rock alternatif ont l'embarras du choix. Après Glastonbury, l'autre rendez-vous incontournable a lieu en août: le festival de Reading. Cette année, plus de 150 groupes s'y produiront, dont Radiohead, Kings of Leon, Yeah Yeah Yeahs, Arctic Monkeys et La Roux.

Pour plus d'info: www.efestivals.co.uk