Le reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly n'a jamais reculé devant l'adversité, et il n'a donc pas reculé hier, même si les éléments se sont déchaînés dès les premières notes de son spectacle en plein air au Parc des festivals: pluie diluvienne, éclairs verts et vent fou, il ne manquait que les grêlons ou les flocons. Mais ni Tiken Jah Fakoly ni les nombreux spectateurs ne se sont laissé démonter. Ils ont dansé et chanté sous la pluie.

Foule dense, jeune, bigarrée, souvent sans parapluie, mais ravie, voilà ce qui attendait sous les étoiles Tiken Jah Fakoly, dont c'était la cinquième présence à Montréal (il était aux Francos, mais en salle, l'an dernier). Dès le début, dans un Parc des festivals rempli de milliers de fans majoritairement dans la vingtaine, le grand chanteur engagé a donné le ton: il a couru, sauté tel Bruce Lee ou Jet Li, sautillé, bref, il s'est démené en chantant Ça va faire mal, en compagnie de ses sept excellents musiciens et de ses deux tout aussi excellentes choristes-danseuses.

Et ça a fait du bien. Tout le monde a du coup senti le besoin impérieux de se démener tout en écoutant attentivement le propos du chanteur, tant sur la vaste esplanade que dans les gradins (oui, les journalistes aussi, en tout cas celle qui signe ces lignes), dans la rue et même dans les petites tentes d'artisans montées le long du site. Toutes sortes de gens se côtoyaient et se souriaient, et on pouvait apercevoir entre les gouttes tant Pierre Falardeau que Dumas parmi les spectateurs.

Dans de beaux éclairages auxquels les éclairs ajoutaient une étonnante touche de surréalisme, Tiken Jah Fakoly a réussi ce qu'il réussit depuis ses débuts en 1996: faire chanter intelligent et danser engagé. Que ce soit pendant Viens voir, qui invite à découvrir l'Afrique pour se faire une idée plus juste de la réalité, Soldier (qu'il a dédié aux deux soldats canadiens tombés récemment en Afghanistan, en appelant tout de même à d'autres solutions pour atteindre la paix), ou la toujours très juste Plus rien ne m'étonne (ou il décline toutes les tractations entre puissants de ce monde), Tiken Jah Fakoly est toujours parvenu à raconter le monde qui l'entoure tout en donnant du plaisir, celui de bouger et de chanter, à ceux qui l'écoutent (je tiens ici à remercier le spectateur qui m'a donné son exemplaire sec de la liste des chansons parce que le mien était détrempé au point de se défaire en mille morceaux: c'est grâce à lui si vous avez les titres des chansons...)

Alors que plus d'un artiste aurait sans doute déclaré forfait quand la pluie et les éclairs ont augmenté, Tiken Jah Fakoly a tenu le coup, remerciant la foule, fidèle et attentive, et a chanté tout le programme prévu, axé principalement sur son plus récent album, L'Africain. Et les spectateurs sont demeurés eux aussi, souriants sous leur poncho ou brandissant parapluies.

Bref, le message est clair: Tiken Jah Fakoly peut revenir dès l'an prochain, on sera là pour lui, toutes couleurs unies, avec ou sans pluie.