Dès les premières notes du grand spectacle en plein air de Mes Aïeux, ils ont surgi de partout, tels des chiens de prairie: plein de petits enfants, montés sur les épaules de leur papa ou maman pour mieux voir les sept musiciens qui les font chanter Mon arrière-arrière-grand-père depuis trois ans.

Il faisait un peu frais, les marmots sont donc redescendus bien vite dans les bras de leurs parents, mais le constat était indéniable: la place des Festivals, hier, était remplie de Québécois de toutes générations (j'ai même croisé un spectateur âgé de 3 mois!) pour assister à la performance extrêmement solide et chaleureuse de Mes Aïeux.

Le septuor a effectivement réchauffé l'atmosphère avec un spectacle sans temps mort, un invité (le violoncelliste Claude Lamothe) et son funk-lore qui se métisse aussi de tango, de klezmer, de disco et de tout ce qui se danse en gang. La foule bien dense - enfants, adolescents, parents et grands-parents, aussi nombreux les uns que les autres - connaissait les paroles, dansait et frétillait, tenait la note quand on le lui demandait et riait avec raison de l'humour dont le groupe épice son répertoire.

Sur la très chouette grande scène joliment éclairée, la formation était «en contrôle complet», et a proposé, sur les 15 morceaux au programme, cinq chansons de son récent album La ligne orange, à quelques pas d'une station de métro. Quand on a entendu, à la fin de la chanson Antonio, la voix du vrai grand Antonio surgir des haut-parleurs, enregistrée il y a plusieurs années dans le stationnement de la station Place des Arts, disons-le, il y a eu une pointe d'émotion dans l'air.

Ce qui m'a frappée, c'est à quel point ce groupe a toujours eu et donné du plaisir en spectacle, avec une constance qui ne se dément pas. Je me souviens encore de la première fois que je les ai vus, c'était justement aux Francos, mais sur la minuscule scène folk rue Jeanne-Mance il y a sept ans, avant qu'elle devienne un parc, devant une soixantaine de personnes assises sur la butte qui existait alors.

La simplicité et l'attitude étaient les mêmes, tout comme l'impression de profonde cohésion entre les membres de la formation.

À l'époque, Mes Aïeux se déguisaient, mais hier soir, hormis pendant Descendus au chantier où Stéphane Archambault s'est mis des cornes de diable sur la tête ou quand toute la gang s'est déguisée en astronautes pour Le stade, il était clair que le groupe n'avait plus besoin d'accessoires. Les sept Aïeux peuvent se reposer sur leurs très solides talents de musiciens, leurs magnifiques harmonies vocales (dignes des Beatles, par moments!), la qualité mélodique de leurs chansons, leur imparable expérience de scène (de la chorégraphie pendant Remède miracle au solo enflammé de guitare ou de violon - 13 ans d'existence, ça paraît).

Il fallait voir le parc transformé pratiquement en gigantesque mush pit intergénérationnel pendant Dégénérations, c'était franchement touchant en raison de ce que les spectateurs y mettaient d'eux-mêmes. D'ailleurs, autant l'avouer: j'étais accompagnée de mon fils de 11 ans, grand fan de Mes Aïeux, et je ne peux vous décrire l'élan de gratitude que j'ai ressenti pour les musiciens en mesurant à quel point ce groupe fait aimer à mon fils son pays et croire qu'on peut changer les choses si on se relève les manches.

On peut être cynique, apprécier ou non la musique pratiquée par Mes Aïeux, mais on ne peut pas ne pas voir, outre des milliers de gens qui sautent et dansent avec enthousiasme, des petites bouches chanter avec conviction Amis, amis, préparons-nous ou Le roi du bénéfice, sa tête va tomber. Ce matin, qu'on ne s'étonne pas, dans les garderies et les camps de jour, si certains enfants semblent bien fatigués. C'est qu'ils ont, avec Mes Aïeux, chanté, dansé, rêvé et espéré.