Encore inconnu au Québec, mais déjà star en France, Julien Doré n'est pas le genre de chanteur prisé à Star Académie. Trop étrange. Pourtant, s'il est si célèbre chez lui, c'est précisément parce qu'il est issu de la téléréalité.

Ersatz, tout premier album de Julien Doré, s'ouvre sur une chanson qui ressemble à la confession d'un tueur psychopathe. «Au nord je t'ai tuée/Oh! les fleurs ne poussent pas», commence le chanteur, qui précise ensuite qu'il n'a «même pas prié» avant d'enterrer sa victime. Détail inquiétant, au refrain, il répète avoir déposé sur la tombe «des fleurs en papier».

Un peu plus loin, dans Bouche pute, il parle de «pisser sur les hanches» d'une personne en habit du dimanche, juste pour tester leur «étanchéité». Avouez que ce n'est pas le genre de mot qu'on imagine sortir d'un des poulains de la version québécoise de Star Académie. Ici, public et producteur semblent préférer les chanteurs imberbes qui feraient de bons petits gendres.

Julien Doré est pourtant issu d'une émission de téléréalité appelée Nouvelle star, concours de chant qui tient plus de Canadian Idol que de Star Académie. «Je n'étais pas filmé au quotidien, tient-il à préciser. J'allais strictement chanter à la télévision devant des millions de personnes. C'est tout ce qu'on me demandait de faire.»

Il n'a pas chanté les chansons citées ci-dessus, puisqu'il les a enregistrées après son passage à l'émission. Le chanteur a toutefois affiché sa marginalité dès son passage en audition où il s'est présenté avec un ukulélé sur lequel il avait posé un autocollant de son groupe, Dig Up Elvis. Julien Doré cherchait d'abord à se faire de la pub.

Une fois recruté comme candidat, il a fait sa marque en multipliant les reprises décalées de grands succès: Mourir sur scène de Dalida, Baby One More Time de Britney Spears, Tainted Love de Soft Cell et Moi, Lolita, tube français datant du tournant des années 2000 chanté à l'origine par une gamine. Un bon truc pour se détacher du lot. Surtout qu'il affiche un air mi-crooner mi-dandy avec un je ne sais quoi de trash dans la dégaine, comme on le constate en farfouillant sur YouTube.

De Nouvelle star, il dit aujourd'hui que ça lui a fait «gagner du temps». Gagner le concours lui a permis de se faire des contacts, d'ouvrir des portes. Sans renier l'expérience, il prend ses distances avec l'émission qui a fait sa chance.

«Je faisais de la musique avant ça et elle ne s'est pas transformée à cause de l'émission. Elle ne s'est pas diabolisée non plus, précise-t-il. J'ai fait de la télé parce qu'elle me permettait de parler de ma musique.»

Et après la télé, il a pris son temps pour créer ses chansons étranges, qui amalgament un peu de tout, du folk au disco, en passant par le rock. Son univers est très soigné et, à l'écoute d'Ersatz, on sent qu'il ne s'est pas pressé pour profiter de sa soudaine célébrité. «J'ai pris du temps parce qu'on est très vite jugé si on vient de ce type d'émission.»

Les échos venus de France laissent croire que l'aspect soigné du disque est évacué en concert pour donner quelque chose de bien plus cru. Très rock. Julien Doré confirme. «Sur scène, on a une énergie complètement différente. On est porté par autre chose.»

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Julien Doré, ce soir et demain, 20 h 30, à l'Astral.