Deux rappeurs aux univers, alors là, complètement divergents étaient à l'affiche dans les salles FrancoFolles, hier soir: le Trifluvien Sir Pathétik, au Club Soda avec son «crew», et le Parisien Oxmo Puccino au Métropolis. Appréhensions et appréciations.

«Moi j'reste chill, j'me mêle de mes affaires/Laisse faire les conseils, Gros, j'ai déjà une mère/tes poupounes tes gros bras, pis ta grosse chaîne/Moé c'que tu penses du rap/on s'en calisse». Dans la salle, près de 700 fans répètent par coeur les paroles de cette spirituelle chanson, insistant avec force sur le refrain, «on s'en caaaaalisse...»

Dans le Club Soda, passé 20 h, après la ribambelle de premières parties, Sir Pathétik et son complice Billy Nova se produisent devant des fans gagnés d'avance. Beaucoup d'ambiance dans la salle, pas pleine mais habitée, tant sur scène que dans cette foule surtout adolescente, où la musique du Sir résonne le mieux.

Honni par les puristes du genre (à qui il adresse J'rap pour toi), embrassé par l'amateur de pop lambda, Sir Pathétik ne laisse personne indifférent. Sur scène, il est cependant d'une grande générosité, un performeur dont l'expérience compense pour un flow sans grande technique. Il a cependant dans sa besace une poignée de hits que ses fans récitent par coeur, preuve que ses textes simples, loin des préoccupations du «ghetto» (pour peu qu'il y en ait un à Trois-Rivières), touche le plus grand dénominateur commun.

Elles abordent la petite vie et ses grands combats, ses erreurs de jeunesse et de vieillesse, ses amours avortées et espérées. Célibataire, La Fille que j'aime, Comme je suis, On rêve à ça, Pour mon pays, T'aimes un badboy, des chansons pop au refrain gros comme le bras, souvent des ballades, chantées autant que rappées, servies sur des rythmes hip hop basiques.

Puis se pointent sur scène les deux gars du groupe pop-rock Longue Distance, pour interpréter Ne Renonce jamais. Deux guitares, un refrain à numéro, un message porteur, le public les mains en l'air, et ça nous frappe, tout d'un coup. Sir Pathétik, Kaïn, Noir Silence, La Chicane: même public, différente génération. Y'a que l'époque qui change. Sir Pathétik n'a pas fini de faire du chemin, et tant pis pour ses détracteurs.

Oxmo fait le poids

Je me doutais qu'on aurait droit à un bon concert. Oxmo Puccino est de ces artistes qui ne savent pas se planter. Je ne m'attendais cependant pas à la révélation à laquelle il m'a été donné d'assister au Métropolis hier soir.

C'est que j'avais des doutes. Le Métropolis serait-il un peu trop grand pour Oxmo Puccino, un rappeur certes émérite, l'un des plus respectés de la scène hip hop française, de la race de pionniers qui nous font regretter le bon vieux temps lorsqu'on constate, avec nostalgie, la popularité d'un Sniper?

La révélation: Puccino a fait presque salle comble. Il y a un public au Québec pour l'artiste du micro. Une masse critique permettant de conclure à un vrai succès populaire que le rappeur a honoré en offrant une solide et charismatique performance, accompagné d'un batteur, d'un bassiste, d'un guitariste et d'un claviériste. Ses instrus ont été teintés de funk sombre, de soul électrique, sur lesquels se pose cette voix creuse qui force l'écoute.

Dans la salle, deux types de fans: ceux de la première heure qui l'ont suivi depuis ses débuts avec le Time Bomb et ses confrères Pit Baccardi, Lunatik, depuis le jalon dans l'histoire du rap français que fut son single Pucc Fiction, à la fin des années 90. Puis les autres qui se sont laissés gagner par la sophistication de son rap depuis quelques albums résolument plus matures que ceux de la moyenne des ours à casquettes, les Cactus de Sibérie et le récent L'Arme de Paix (et, n'oublions pas, le Lipopette Bar, plus jazz, édité chez Blue Note).

Enfin, le rappeur est reconnu autant pour son talent de conteur que pour sa plume, aux images riches et sensibles. Ces Francos à Montréal lui laisseront certainement un doux souvenir, en plus de laisser croire qu'une vraie carrière se dessine ici, ce qui, espère-t-on, devrait l'inciter à revenir plus souvent.