Tous les Bryan Adams que l'on connaît depuis 25 ans recevaient dans leur grand salon lundi soir. De celui, toujours vêtu de son costume de rockeur prolétaire, qui a pondu dans sa jeunesse des chansons aux riffs irrésistibles à l'improbable sexe symbole à qui l'on doit au moins autant de ballades à succès, dont une bonne demi-douzaine ont trouvé preneur à Hollywood. Devant une salle Wilfrid-Pelletier qui ne demandait pas mieux, Bryan Adams en a pigé 29 dans son répertoire qu'il nous a toutes servies en mode acoustique, de Run To You à All For Love, en deux heures qui ont passé trop vite.

Pourtant, le défi était de taille. Va toujours pour les ballades auxquelles une armée de spectatrices ont prêté leurs voix sans se faire prier. Mais comment diable le rockeur canadien allait-il s'y prendre pour reproduire l'énergie de Cuts Like A Knife, Coming Back To You, Can't Stop This Thing We Started, In the Heat of the Night ou la très réclamée Summer of 69 avec sa seule guitare acoustique, un harmonica dylanien très occasionnel, et l'appui du pianiste Gary Bright, un sosie d'Adams qui pourrait passer pour Bernard Lamarche s'il portait un t-shirt avec le plan de la salle dessiné dessus?

Facile! Bryan Adams a tiré de sa guitare la rythmique essentielle à ces chansons et il a laissé sa voix unique, sablonneuse et puissante, faire le reste du travail. Tant et si bien que ses hymnes archi-connus n'ont rien perdu au change. Mais il en fallait plus pour récolter ovation sur ovation comme l'a fait Adams. Les musiques de ses chansons ont beau être terriblement accrocheuses, leurs textes sont souvent des enfilades de lieux communs rock and roll et c'est encore plus évident dans ce genre de concert plus dépouillé.

Mais voilà, depuis qu'il est tout jeune, Adams possède une aisance remarquable sur scène et un ascendant rare sur ses fans. Il connaît tous les trucs du métier. Son sens de la répartie lui permet de répondre du tac au tac aux nombreuses admiratrices qui lui crient leur amour, et ses interventions entre les chansons sont drôles, spontanées et pertinentes.

Il transforme Please Forgive Me en pastiche de chanson country, se remémore un tout premier concert à Pointe-Claire où une jolie fille lui a fait une proposition difficile à refuser et s'excuse auprès de tous ceux qui ont fait de Heaven leur chanson de mariage après avoir dit qu'elle a été écrite pour un film sur un strip-teaseur mâle.

L'éternel gamin joue habilement la carte de la séduction avec les filles déjà conquises par ses chansons d'amour puis il met tout le monde dans sa petite poche arrière en chantant en français la chanson-thème du film Spirit, l'étalon des plaines, Here I Am qui devient Me voilà. Puis il en rajoute une couche en chantant le début de Je reviendrai à Montréal et quand le public se lève d'un trait, il lui dit que c'est Robert Charlebois qu'il faut applaudir.

Pour tout dire, les fans de Bryan Adams sont ressortis de Wilfrid-Pelletier comblés, le sourire aux lèvres. J'en ai même entendu qui se proposaient d'y retourner mardi soir. Si, par miracle, ils parviennent à mettre la main sur un billet.