Après Claude Dubois, dont l'album de duos a connu un succès de vente exceptionnel, et avant Gilles Vigneault, le producteur Paul Dupont-Hébert a convaincu Jean-Pierre Ferland de se prêter à l'exercice. Sur Bijoux de famille - Duos Ferland, le chanteur retraité reprend du service.

Quand Jean-Pierre Ferland est revenu chanter sur les Plaines avec Céline Dion en 2008, il a dit à la blague qu'il pouvait bien se le permettre «une fois par 400 ans». Puis on l'a revu au Théâtre Saint-Denis en avril dernier, chantant avec plusieurs des artistes qui sont de son nouvel album de duos, dans un concert hommage organisé par la radio Rythme FM.

 

«Ce n'est pas parce qu'un cowboy prend sa retraite qu'il n'a pas la permission de faire de l'équitation, dit Ferland en riant au bout du fil. Je n'aurais pas accepté à n'importe quel prix de faire un spectacle. Ça, c'est terminé.»

Mais l'artiste en lui, bien vivant, semble goûter beaucoup cette liberté sans obligation de carrière que lui donne sa retraite. «Moi, j'ai souffert de trac toute ma vie, ça m'a enlevé 50% de mes moyens, dit-il. J'avais peur de déplaire, je pensais à ma carrière que je ne pouvais pas briser. Maintenant, je suis assez indépendant et quand on n'a rien à perdre, on peut se laisser aller vraiment à faire ce qu'on aime. Si on se trompe, ce n'est pas bien grave.»

Quand il a accepté de chanter au Saint-Denis, il n'était pas encore question d'un album de duos, qui a été enregistré en studio au cours de l'été. «Mais je m'amusais et ça me faisait plaisir de découvrir des chanteuses et des chanteurs que je ne connaissais pas. Garou, je lui avais parlé une fois, l'espace de deux minutes; Lynda Lemay, je l'avais rencontrée une fois dans une salle de maquillage. Je ne connaissais pas Marie-Élaine Thibert, ni Nathasha St-Pier. Ça fait du bien de savoir qu'on est encore présent dans la tête des artistes.»

De tous ces artistes qui participent à l'album, Ferland ne connaissait vraiment que Kevin Parent et, évidemment, Gilles Vigneault, «mon ami depuis toujours avec qui ça me faisait vraiment plaisir de chanter». Les deux grands de la chanson québécoise y reprennent Y'a pas deux chansons pareilles de Ferland, qu'on dirait faite sur mesure pour Vigneault, et dans laquelle ils se font un gros clin d'oeil: Ferland chante une ligne de J'ai pour toi un lac, et Vigneault lui rend la politesse en citant Les immortelles, deux chansons qui, sans être tout à fait pareilles, se ressemblent énormément, explique Ferland.

L'artiste «hommagé» le reconnaît, il a un peu triché avec le concept du duo. D'abord sur Si je savais parler aux femmes, qui ne se prêtait pas à un duo mais qu'il tenait à chanter, et pour laquelle il a choisi une «belle écouteuse» en Jorane. Puis en confiant à Bruno Pelletier, seul comme un grand, un extrait de la comédie musicale Madame Simpson à laquelle Ferland travaille avec le compositeur Alain Leblanc depuis une mèche.

On y trouve aussi une autre inédite, Le chanteur est menteur, que Ferland a écrite une petite semaine avant de la chanter au Saint-Denis avec Kevin Parent et Éric Lapointe. Une chanson irrésistible, qui prouve hors de tout doute que Ferland n'a rien perdu de son bagout, de son humour et de sa remarquable habileté avec les mots.

Ferland parle de «moments vrais, extrêmement sincères», dont l'interprétation de La musique par Florence K qui, estime-t-il, lui permettent d'éviter le piège de la recette qui guette pareil album de chansons hyper-connues interprétées par une brochette de vedettes. «Moi, j'ai redécouvert mes chansons, dit Ferland. Je ne pensais pas que La musique était une aussi belle chanson, mais quand j'ai écouté Florence K la chanter en studio, j'avais des frissons! Alain Leblanc m'a dit: «Vois-tu, c'est pour ça qu'on fait ce métier-là».»

Ferland étonne en reprenant Il suffirait de presque rien popularisée par Reggiani, la seule du disque qu'il n'a pas écrite. C'est que, explique-t-il, après avoir accepté d'enregistrer Les vieux amants de Brel comme cadeau d'anniversaire de mariage pour Paul et Jacqueline Desmarais, il s'est amusé à enregistrer des chansons qu'il aime rien que pour le plaisir, dont celle de Reggiani.

Mais n'attendez pas un album de reprises, ou quelque autre disque que ce soit, de Ferland. «Pour le moment, je n'y pense pas, je mets tout mon temps sur la fin d'écriture de Madame Simpson, dit-il. Ma seule grande liberté dans ma retraite, c'est de ne plus avoir de point de chute, de deadline. Ça, c'est fini pour la vie.»