Huit mois plus tard, on ne se lasse toujours pas du premier album, éponyme, de Fever Ray - Karin Dreijer Andersson de son vrai nom, qu'on a découvert aux côtés de son frère Olof Dreijer via The Knife. La ténébreuse auteure, compositrice et interprète suédoise nous accorde une rare entrevue en vue de son premier concert canadien, au Métropolis.

Enfin, l'automne. Le moment de ressortir l'album de Fever Ray, lancé en février et qu'on avait rangé dès les premières soirées chaudes de mai. Car, dans toute sa sinistre splendeur synthétique, ce disque de chanson électronique à contre-courant (lire: qui n'emprunte rien aux années new wave) ne supporte pas les journées ensoleillées. Même que sa saison serait plutôt l'hiver.

 

«Justement, c'était l'hiver en Suède lorsque j'ai composé mon disque», répond Karin Dreijer Andersson dans un anglais teinté de cet accent nordique qui connote chacune de ses chansons. «Et l'hiver chez nous, il fait noir. Dès 14h. C'est horrible. C'est pour ça qu'il y a autant de Suédois en Thaïlande l'hiver...»

«C'est intéressant de voir comment le climat peut influencer la musique qu'on écrit. J'imagine que si je composais un album durant l'été, ma musique serait plus rythmée et enjouée», ajoute-t-elle en échappant un petit rire.

Au bout du fil, Karin Dreijer Andersson parle sur un ton calme. Exactement l'image qu'on se fait de cette femme, mi-trentaine, mère de deux jeunes enfants, et l'une des figures les plus énigmatiques de la scène pop underground depuis le succès initial du deuxième album de The Knife, Deep Cuts.

Sur disque, sa voix est souvent maquillée, lui donnant un air très grave, à la limite du lugubre. Sur scène, où elle affirme «jouer un personnage», elle apparaît masquée. Elle apparaît surtout peu fréquemment: The Knife n'a donné qu'une vingtaine de concerts après la sortie de Silent Shout (2006). Pour Fever Ray, elle en donnera une quarantaine. Ses entrevues sont aussi rares, admet-elle, «mais aujourd'hui, je peux dire que j'aime donner des concerts. Il faut dire que je suis entourée de bons musiciens qui me mettent en confiance, et avec qui il fait bon voyager. C'est important, je crois.»

La pop de Fever Ray est appliquée, marquée par sa voix urgente et par des arrangements futuristes, minimalistes et obsédants. Une musique somme toute sérieuse. « Tout ce que je fais est sérieux. La musique, c'est tout mon temps, sauf lorsque je ne suis pas auprès de ma famille. Il faut que ce le soit, sinon je ferais autre chose.»

À ces musiques cliniques, parcimonieuses et pourtant enchantées, Karin appose des textes chargés d'émotion, souvent déroutants. Exemple, tiré de When I Grow Up: «Lorsque je serai grande / Je veux être garde-champêtre et courir dans la tourbe en talon hauts / C'est ce que je ferai».

«J'essaie d'écrire des paroles qui illustrent ce que m'inspire la musique, qui me vient toujours en premier, dit-elle. Certaines me sont inspirées de mon enfance; d'autres viennent de réflexions qu'on peut se faire, en tant qu'adulte, sur notre enfance. D'autres encore me sont inspirées par mes enfants, les trucs qu'ils racontent.»

En décembre, Karin donnera un dernier concert à Londres avant de retourner dans son hiver sombre, sa famille et son studio. Après? L'inconnu. Chose certaine, la musique de cet opéra sur la vie de Charles Darwin, intitulé Tomorrow in a Year et commissionné à The Knife par le Royal Danish Theater de Copenhague, paraîtra sur disque «au début de l'année prochaine», confirme la musicienne qui avait assisté à la première de l'opéra quelques jours avant notre entretien.

«C'était stressant, confie-t-elle. Je n'étais pas sur scène, mais dans la salle, avec Olof. Des choses étranges se sont produites au début du spectacle... Mais je suis satisfaite du résultat. De la musique, surtout. Je pense que c'est vraiment bon.»

Fever Ray, en concert le 1er octobre au Métropolis.