Hier, le ténor Marc Hervieux chantait son célèbre duo avec Ginette Reno (Fais-moi la tendresse) dans le spectacle que celle-ci donne à guichets fermés à la salle Pierre-Mercure. Jeudi soir, il incarnait Canio lors de la dernière représentation de l'opéra Pagliacci présenté par l'Opéra de Montréal avec grand succès. Et mardi soir? Mardi, Marc Hervieux lançait Après nous, son premier CD. Le premier de ses quatre CD...

«Je me suis loué un chalet cet été, pour me reposer, et finalement, j'ai dû y aller deux fois et demie, maximum! J'ai enregistré quatre CD cet été...» raconte en riant Marc Hervieux, qui omet de dire qu'en mai, il chantait à Québec (dans l'opéra Cavalleria Rusticana) et qu'il se préparait pour Pagliacci. Et qu'il a trois petites filles (8, 5 et 3 ans) - d'ailleurs, son aînée, Loïane, était également de la distribution de Pagliacci.

 

Elle a un drôle de papa, Loïane: c'est un ténor reconnu, mais son premier disque en carrière est un album... pop! «Je dis ça très simplement: je n'ai pas besoin de faire des disques pour vivre, je gagne bien ma vie comme ténor, je suis très chanceux, et j'en remercie le ciel, explique Marc Hervieux. Mais moi, j'ai besoin de diversité pour vivre, tu comprends? Je suis chanteur d'opéra, mais je fais aussi des voix dans les dessins animés - moins aujourd'hui, mais quand même (il a notamment prêté sa voix à quatre personnages de Donkey Kong et en chante le thème principal). Je n'ai pas le goût de me confiner dans rien, ce n'est pas bon pour mon équilibre.»

Équilibre: c'est justement l'impression qui se dégage de Marc Hervieux quand on le rencontre. Avec ses cheveux et sa barbe qu'il a laissé pousser pour le rôle de Canio dans Pagliacci, à peine fatigué par la foule d'activités qu'il entreprend de front, l'homme qui vient d'avoir 40 ans sourit à tout le monde. Et tout le monde lui sourit. «Je m'arrange pour faire ce que j'aime. Tu vois, on m'a proposé de chanter dans l'opéra Aïda, un gros projet avec trois maisons d'opéra. Mais moi, j'haïs ça, cet opéra-là, je trouve ça ennuyant, et j'ai dit non. C'est un luxe. Mais je ne dis jamais non quand le travail me plaît.»

Et quatre CD, quatre...

C'est notamment pour toucher toutes sortes de gens - et travailler - qu'il s'est attelé à l'enregistrement de quatre disques. Le premier, Après nous, lancé mardi passé, est un disque pop qui compte sept reprises de grandes chansons populaires (Aznavour, Plamondon, Goldman, etc.) et cinq chansons originales: «Les reprises, c'est parce que je suis un chanteur lyrique qui veut faire plaisir aux gens; les inédites, c'est pour parler de choses plus personnelles, comme la mort de mon père.»

Le deuxième est un disque de Noël, baptisé Le premier Noël, enregistré avec les Disciples de Massenet: «Je voulais qu'on entende que je l'avais enregistré dans une église, celle de ma paroisse, Saint-Nom-de-Jésus, qui devait fermer: on a fait reporter la fermeture d'un mois!» Le lancement aura lieu le 27 octobre.

Le troisième album sera composé de chansons napolitaines avec Louise-Andrée Bari; le quatrième, de grands airs d'opéra, et où Hervieux sera accompagné par l'Orchestre Métropolitain et Yannick Nézet-Séguin: «On est des amis, on se connaît depuis la cour d'école... du Conservatoire!»

Un disque pop

Mais parlons du premier, Après nous: «Pour moi, c'était très important d'avoir le contrôle artistique, j'avais déjà fait pas mal de travail avec une autre compagnie de disques, mais on voulait m'adjoindre un directeur artistique, et ça ne me tentait pas. Quand les gens de Zone 3 m'ont rencontré, j'ai expliqué ce que je voulais: un disque pop qui n'était pas cross-over et la liberté de faire ce que je jugeais nécessaire.» Un disque pop, qui n'est pas cross-over, cela veut dire que la voix de Hervieux monte dans l'aigu, bien sûr, et qu'on entend bien que celle-ci est «éduquée». Mais le chanteur y chante avec un timbre plus naturel, il a retenu les vibratos, etc. Et s'est mis à chercher des collaborateurs.

C'est ainsi que Michel Cusson a accepté de lui composer, arranger et réaliser une chanson («On s'était rencontrés et on a parlé dans les toilettes lors d'un événement!»). Que Jean-François Breau lui a composé une musique («Je lui ai dit que j'aimais beaucoup une chanson comme On s'est aimé à cause de Céline Dion; il me demande si je le niaise; je lui réponds non et il m'apprend que c'est lui qui a composé la musique de cette chanson!»).

Simon Leclerc, Frédérick Baron, Daniel Mercure, etc., ont aussi mis la main à la pâte musicale. Et Ginette Reno chante en duo avec lui une reprise de Quand on se donne: «C'était celle-là ou Rouge, explique le chanteur. Je n'osais pas l'appeler, je ne voulais pas qu'elle se sente obligée de venir parce que j'avais chanté Fais-moi la tendresse avec elle. Mais qui ne risque rien n'a rien. Et ça a marché.»

Comme avait marché leur duo Fais-moi la tendresse: «Un soir, Pascalin (fils de Ginette et réalisateur) m'appelle et me dit que sa mère a une chanson enregistrée avec une chorale, mais ça ne marche pas; est-ce que je pourrais passer au studio? Euh, je ne le connais pas, mais je dis oui. Je suis supposé faire des «ah ah ah» à la place de la chorale, je les fais... et Ginette me dit: «Tu sais chanter, toi (rires), mais c'est pas ça que ça prend; ça prend un duo. T'es chanteur d'opéra, tu dois bien parler l'italien, toi?» Euh, un peu, mais bon, je ne suis pas italien; est-ce qu'on peut se reprendre le lendemain avec un texte adapté par un Italien? Non, on ne peut pas, Ginette doit partir pour Paris pour faire le mix de son album! Alors, j'ai écrit quelques phrases, j'ai appelé tous mes amis qui parlent italien...» Et Fais-moi la tendresse est ainsi née de la rencontre entre une grande chanteuse et un grand chanteur. Qui n'ont jamais eu peur de travailler. Travailler, c'est pas dur quand chanter, c'est bon.