À ceux qui demandent régulièrement qu'on leur suggère un nom de chanteur country québécois contemporain, de qualité et en français, en voici un: Johanne Provencher. L'auteure-compositrice-interprète originaire de Chambly vient de lancer son troisième album, Real Country, tout en français malgré son titre... et tout en rythme, en énergie, en humour et en thèmes contemporains, mariés au country-rock et au bluegrass.

Quand elle est allée en France en mai dernier pour représenter le Québec au Festival des cultures d'Amérique francophone, Johanne Provencher a eu la surprise de sa vie. Parce que c'était rempli? Pas du tout, elle a l'habitude des salles pleines. Mais bien parce qu'un club de danse country de la Côte d'Azur avait monté une chorégraphie sur une de ses chansons, qui a été interprétée pendant le spectacle de Miss Provencher!

 

C'est qu'elle a du chien, Johanne, et du mordant. D'ailleurs, c'est presque toujours sur des rythmes «up tempo» qu'elle s'exprime, même quand il est question d'amour ou de lassitude. Sur Real Country, elle n'hésite pas à montrer un peu les dents quand il est question des artistes pop qui surfent sur la vague country (dans la chanson-titre: «Je connais la rengaine/faites-moi pas brailler/avec votre coming out country») ou de l'industrie du disque qui se nourrit des artistes («Désolation, destruction/Dynamite dans la carrière/Extraction, attention/N'attendez plus, vautours/Il ne reste plus rien/Pas besoin de tourner autour/c'est le début de la faim»). Mais elle est aussi capable de parler avec émotion d'amour, d'un ami suicidé (la très jolie Le maître de piste, inspiré par un ami humoriste qui a décidé de quitter ce monde), des relations par internet (Le filet.net, où elle établit une relation entre la pêche et les cyberamours), etc.

En fait, il serait plus juste de dire qu'«ils» établissent une telle relation. Car Johanne Provencher, qui écrit, compose et joue de la guitare - depuis son enfance, quand elle se produisait dans l'orchestre familial -, travaille toujours avec les deux mêmes personnes depuis son deuxième album, Fille de coeur (2005), et c'est le trio qu'on rencontre quand on rencontre Johanne Provencher, soit le compositeur-arrangeur Pierre Côté (par ailleurs, son bien-aimé) et la parolière-compositrice Martine Hudon: «On fonctionne comme ça se fait à Nashville, avec des rencontres de production une fois par semaine, avec nos guitares, nos enregistreuses, et on travaille, on argumente, jusqu'à ce qu'on trouve ce qu'on veut. Et on vote à trois!» explique l'énergique Johanne Provencher. «C'est un fonctionnement qui nous permet de monter le niveau des textes, des chansons», ajoute la discrète Martine Hudon. «Et c'est le fun, on ne s'est jamais disputé, mais on discute», renchérit Pierre Côté, qui se prépare par ailleurs à partir en tournée... au Japon aux côtés de la jazzwoman Carol Welsman.

Guitariste particulièrement doué, Pierre Côté est issu du milieu jazz et a joué/enregistré/tourné avec tout le monde ou presque: Jim Corcoran, Ginette Reno, Renée Martel, le Cirque du Soleil, Shilvi, Luce Dufault, Roch Voisine, Lynda Lemay, Bob Walsh, Muzion... ainsi que Bourbon Gautier, qui lui a fait connaître le riche univers musical du country. Martine Hudon, elle, chante, écrit et joue de la basse, entre autres. «Mais au moment de la réalisation de Real Country, ç'a été particulier, explique Johanne. Chacun de nous trois, on a vécu la mort d'un proche frappé par la maladie. Ça, c'est un drame, un vrai, sur lequel on n'a pas de contrôle. Alors, sur le disque, on a laissé faire le mélodrame, pas besoin d'en rajouter. J'ai pas le goût d'être la victime.»

Le trio connaît son country contemporain sur le bout de ses bottes de cow-boy. Pour Côté, il fallait un angle Dwight Yoakam à l'album, Johanne Provencher tenait, elle, à un shuffle à la manière de Vince Gill ou George Strait (ça a donné Le filet.net), Martine a fait connaître Jon Randall à ses deux comparses, et la reprise de Honky Tonk Woman des Rolling Stones est un très chouette shuffle swing, avec des accents de bluegrass bien placés ici et là.

S'il a été enregistré à Granby, où vivent Provencher et Côté, l'album a été mixé à Memphis et masterisé à Nashville, pour obtenir la couleur country voulue. Ça ne veut pas dire que c'est plus facile ici, et c'est donc à partir de son site (johanneprovencher.com) que la chanteuse vend Real Country. Ou, comme le veut encore la tradition, pendant ses spectacles (elle sera au Petit Medley, à Montréal, le 25 novembre).

Qu'importe, Johanne Provencher signe et persiste: «Ça me fait plaisir d'être reconnue comme une auteure-compositrice-interprète country (elle a remporté le Félix du meilleur album country pour son premier disque), mais mon objectif, c'est d'être reconnue un jour comme auteure-compositrice-interprète, point!»