La fermeture annoncée du Medley, rue Saint-Denis, signe la fin d'une ère et laisse orphelins les acteurs et supporteurs des scènes métal et punk du Québec. Depuis la conversion du Vieux Munich en salle de spectacle, au milieu des années 90, le Medley était devenu un des rares lieux à Montréal où ces musiques dites «extrêmes» étaient chaleureusement accueillies. Comme celle de Despised Icon.

«C'est tout naturellement que la scène métal a fini par adopter cette salle», dit Alex Erian, l'un des deux chanteurs et hurleurs du groupe deathcore montréalais Despised Icon, à propos du Medley. «C'est un peu triste qu'elle ferme, mais on est contents d'avoir la chance de fermer la place», à l'occasion d'un concert-événement, ce soir, avec Cryptopsy, The Acacia Strain (Boston), Trapped Under Ice (Baltimore) et Blind Witness, la formation montante de Granby.

«Ce coin-là de la ville a une grande valeur symbolique pour moi», dit Alex Erian. «Je suis né à l'hôpital juste de l'autre bord de la rue. Quinze ans plus tard, j'allais y voir mon premier spectacle!» Ce spectacle, c'était Grimkskunk, avec les Français de Lofofora et The Smalls en première partie.

Despised Icon a joué, trois fois plutôt qu'une, dans cette salle qui lui a donné ses premières chances, «dans cette ville reconnue comme l'une des grandes du métal, et depuis des années», assure Erian.

Fondé en 2002, Despised Icon est aujourd'hui le fer de lance de la scène «extrême» québécoise. Son album, The Ills of Modern Man, lancé sur Century Media, l'un des plus importants labels du genre au monde, s'est écoulé à près de 50 000 exemplaires. «On donne en moyenne entre 150 et 200 concerts par année. Days of Mourning, notre nouvel album, est paru en septembre; on a tourné un mois aux États-Unis, puis un autre mois en Europe. Ça fait une semaine que nous sommes revenus - ça fait du bien...»

Un genre underground

Si un genre musical peut aujourd'hui prétendre être underground, c'est bien celui du métal pointu. Hormis une poignée de médias spécialisés en la matière, Despised Icon et leurs confrères sont totalement absents des médias généralistes. Pourtant, en Europe, où ils tournent depuis deux ans et demi, leurs concerts attirent de 700 à 1000 spectateurs. «Pour un groupe d'ici, un groupe métal par surcroît, attirer plus de 700 fans, c'est quand même considérable, dit le chanteur. Aux États-Unis, malheureusement, il faut tout diviser par deux...»

Dans le milieu, on attribue à Despised Icon le mérite d'avoir popularisé le sous-genre deathcore. Une définition, s'il vous plaît? «À la base, c'est un croisement entre le death metal - très rapide, chargé, criant - et le metal core - ça crie aussi, mais le rythme est plus entraînant, ça groove. Ce sont ces éléments qui rendent notre métal accessible ou, sinon, rafraîchissant.» Bien résumé: même si la guitare prend une place énorme, même si la batterie pourrait bien être une mitraillette, Despised Icon a ce «groove» qui rend sa musique moins brutale, moins assommante, que bien des groupes.

Jusque dans le look, les gars de Despised Icon rafraîchissent l'image du genre: exit les cheveux longs et les t-shirts noirs. Alex Erian, avec sa casquette sur sa tête rasée et son polo, passerait pour un rappeur. «Aujourd'hui, pour écouter du métal, t'as pas besoin d'un long sleeve de Metallica, de jeans troués et de tatous...

«On a grandi dans la scène death metal d'ici, avec les Cryptopsy, Kataklysm, et évidemment Voivod, les quelques groupes qui avaient du succès à l'international. Or nous, on voulait ajouter de nouveaux éléments pour amener la musique ailleurs. Et le style deathcore s'est popularisé.

«À nos débuts, on croyait qu'on serait condamnés à jouer au Québec. Donner un spectacle en Ontario, c'était le big deal. J'empruntais l'auto de ma mère pour aller donner des spectacles; on n'avait même pas nos propres instruments. On a commencé au bas de l'échelle. Aujourd'hui, on sent que les groupes d'ici ont plus de reconnaissance. J'espère que notre succès va ouvrir des portes aux jeunes.»

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Despised Icon donne le dernier concert métal du Medley, ce samedi soir, à 19h30.