Chose certaine, on ne pourra pas reprocher à Garou de reprendre les sempiternelles Quand les hommes vivront d'amour et autres La bohème sur son nouvel album Gentleman cambrioleur. Le chanteur québécois a plutôt décidé d'interpréter à la manière d'un «crooner modernisé» des chansons de Madonna, U2, Ariane Moffatt, Rita Mitsouko...

La dernière fois qu'on a entendu parler de Garou, c'était en octobre dernier, alors qu'il était de passage à l'île Maurice pour les ultimes représentations de sa tournée Pieces of My Soul, du nom de son album en anglais lancé en 2008. «Ça m'a tellement fait du bien, cette tournée, explique le chanteur en s'enfilant un café bien fort. Je jouais de la guitare et du piano dans tous les morceaux, sauf deux. Ça m'a «groundé».» Pour un gars qui vit «un tiers en France, un tiers au Québec, un tiers partout ailleurs», pour reprendre ses mots, ce n'est pas rien, être «groundé». D'où cet album Gentleman cambrioleur, le célèbre indicatif musical de l'émission Arsène Lupin que Garou reprend: «C'est la préférée de ma fille de 8 ans, l'âge auquel je regardais l'émission!» De même qu'il y reprend d'autres chansons inattendues, dans un traitement surprenant.

«Quand Sony France, ma nouvelle équipe, m'a appelé pour me proposer de faire un album de reprises, explique-t-il, j'ai dit non sur le coup - tout le monde en fait un, ces temps-ci! Puis, j'ai dit: "Laissez-moi réfléchir..." Et j'ai demandé: "Et si on faisait quelque chose de complètement disjoncté?"»

Celui qui a appelé Garou, c'est Philippe Gandilhon, directeur artistique de Sony France. «Il fait partie de ces gens de la «branchouille» à Paris, explique Garou avec un grand sourire, ils ont toujours un léger décalage, qui me plaît.» À partir de la proposition de Garou - quelque chose de disjoncté -, Gandilhon lui fait rencontrer le réalisateur Philippe Paradis, un de ses protégés. Ancien de Daran et les Chaises, Paradis a beaucoup travaillé avec Zazie, notamment. «Et on a enregistré deux morceaux ensemble. Si ça marchait, je faisais le disque, si ça ne marchait pas, on oubliait ça.» Ces deux morceaux, ce sont Les dessous chics de Gainsbourg (popularisé par Jane Birkin et Diane Dufresne) et Da Ya Think I'm Sexy de Rod Stewart!

«Mon but, c'était pas de choisir des chansons, précise-t-il pourtant, c'était de les réinventer. Que je fasse des reprises, c'est normal: je suis un interprète! On m'a connu parce que j'ai fait Notre-Dame de Paris pendant trois ans, et j'ai été nommé Révélation de l'année à l'ADISQ alors que j'avais pas encore un seul disque sur le marché. Je connais ça, chanter la même chanson! Là, je voulais bien la chanter, mais pas comme on la chante d'habitude.»

Ça donne donc Les Champs-Élysées de Joe Dassin, «la plus évidente de ses chansons, mais comme si elle était chantée par Ray Charles, c'est la plus loufoque sur l'album». Ça donne C'est comme ça des Rita Mitsouko, «comme si Elvis la reprenait, je trouvais que la folie kitsch des Mitsouko et celle d'Elvis se répondaient». Aimer d'amour de Boule noire? «Elle est aussi funky que la version originale, mais disons qu'on la sort de la discothèque pour l'amener dans la chambre à coucher!» Idem pour Sorry de Madonna, New Year's Day de U2, Je veux tout d'Ariane Moffatt, À ma fille d'Aznavour...

Garou insiste, il voulait jouer sur la «sexyness» de l'affaire: «Avec Philippe Paradis, on voulait aller du côté "crooner modernisé". Le crooner modernisé, ce n'est pas Michael Bublé, qui reprend aujourd'hui des façons de faire d'hier. Non, moi, je voulais revenir à l'essentiel du "crooning": c'est une façon de chanter qui a été permise par l'invention du microphone, la possibilité de susurrer, de chanter plus doucement... Moi, j'ai toujours chanté fort. Là, j'avais envie de chanter à l'oreille de quelqu'un, très proche.»

Ce côté suave, ce jeu de séduction, il l'exploite dans tout le livret du disque, dans lequel Garou est déguisé en cambrioleur élégant, et il entend bien l'utiliser aussi en spectacle: il sera le printemps prochain à la Place des Arts - «ça fait six ans que j'ai pas joué à Montréal!» - et la scène sera transformée en repaire de voleurs classe. «J'ai fait ce disque un peu comme si j'étais un voleur qui entrait dans un musée pour y dérober un vieux Bécaud, mais qui voit soudain avec sa lampe de poche un Madonna... et qui part plutôt avec le Madonna!»

La métaphore est claire... et le chanteur la pousse jusqu'au bout. Il existe une chanson dissimulée à la fin de son album: Everybody Knows de Leonard Cohen, chantée par Garou qui s'accompagne lui-même à la guitare acoustique: «C'est une chanson que je chantais dans les bars quand j'avais 20 ans, mais seulement certains soirs, quand les astres étaient alignés, dit-il en riant doucement. Un soir, après une séance d'enregistrement de Gentleman cambrioleur, j'ai eu l'impression que les astres étaient de nouveau alignés et j'ai dit à l'ingénieur de son de partir le «tape». Je l'ai mise à la toute fin du disque, discrète... C'est une petite carte que je laisse, comme le faisait Arsène Lupin!»

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CHANSON

GAROU

GENTLEMAN CAMBRIOLEUR

WOLFGANG/SELECT