L'ancien orchestre radiophonique de Radio-Canada renaît de ses cendres et prend le chemin de la modernité. Désormais, c'est en allumant son ordinateur que l'on pourra entendre symphonies et concertos interprétés par cet orchestre au destin particulier. Et même si l'Orchestre national de diffusion, version 2.0, se situe physiquement à l'autre bout du pays, deux Québécois sont derrière sa renaissance. Mais cette fois, sans le soutien officiel de la SRC, qui demeurera tout de même complice pour la diffusion de certains concerts.

Dirigé par le chef montréalais Alain Trudel, l'Orchestre national de diffusion de Vancouver veut perpétuer la tradition des orchestres radiophoniques, qui date des années 30, en utilisant les moyens du XXIe siècle. Pour ce faire, on diffusera une saison entière de concerts sur internet. Le lancement officiel aura lieu le 8 janvier avec un grand concert bénéfice au programme particulièrement original comprenant des oeuvres rarement ou jamais jouées auparavant.

 

On pourra d'abord entendre la première mondiale d'une oeuvre du compositeur montréalais d'origine allemande Michael Oesterle, intitulée The Sparrow's Ledger. Ensuite, le pianiste Anton Kuerti interprétera un concerto de Beethoven pratiquement inconnu du public, le Concerto No 0, écrit avant les cinq autres, alors que le compositeur n'avait que 14 ans. Le pianiste canadien a lui-même écrit une nouvelle orchestration de l'oeuvre, dont il ne subsistait qu'une transcription pour piano incomplète.

Des oeuvres pour trompette d'Alain Trudel et d'Allan Gilliland seront jouées par le virtuose canadien de cet instrument, Jens Lindemann. Elles seront suivies de la Symphonie No 1 de Prokofiev, dite classique, qui a fait partie des sources d'inspiration de Michael Oesterle pour The Sparrow's Ledger. Dans les jours qui suivront, le concert, présenté au Chan Centre de Vancouver, sera accessible gratuitement sur le site internet de l'orchestre. D'ici là, on peut y voir un extrait vidéo. Le concert sera aussi enregistré pour diffusion ultérieure à la radio.

Du Plateau-Mont-Royal à Vancouver

Il fut un temps où chaque grande ville au pays avait son propre orchestre de diffusion radiophonique, soutenu par Radio-Canada. Leur objectif était de servir de tremplin aux interprètes et compositeurs canadiens, tout en rendant la musique classique accessible à tous les auditeurs, même ceux des communautés rurales éloignées.

Mais les orchestres de Montréal, Toronto, Halifax et Winnipeg n'ont pas survécu aux coupes budgétaires fédérales du début des années 90. Un dernier orchestre radiophonique est resté en vie: celui de Vancouver. En 2008, il a donné son dernier concert, victime à son tour des coupes, et en dépit des protestations et de plusieurs manifestations du public un peu partout.

Toutefois, les partisans de l'orchestre n'avaient pas dit leur dernier mot. Et le maestro Alain Trudel non plus. Celui qui est surtout connu du public d'ici en tant que directeur musical de l'Orchestre symphonique de Laval espérait bien maintenir en vie cette institution vieille de 70 ans.

«C'est extrêmement important pour le talent d'ici d'avoir un orchestre national qui permette aux artistes de se faire entendre partout au Canada avant de passer à la scène internationale, explique Alain Trudel. Si on ne continue pas cette mission, il y aura un vide, et les solistes et compositeurs de haut niveau qui sont prêts pour une grande carrière ne se feront pas assez connaître.»

Mais, en musique comme ailleurs, l'argent est le nerf de la guerre, et avec le désengagement de la société d'État, celui-ci se faisait plus rare. Un jour, Alain Trudel a reçu un coup de téléphone d'un avocat et homme d'affaires montréalais, Philippe Labelle, qui a entendu parler de la fermeture de l'orchestre à la radio et s'est senti interpellé.

«On avait beaucoup parlé dans la dernière année du rôle que le gouvernement devrait jouer ou non dans la culture, dit Philippe Labelle. Si, dans un pays comme le Canada, qui est l'un des plus riches dans le monde, on n'est pas capable de se doter d'un orchestre qui va permettre à des talents d'ici d'aller plus loin, je pense que, collectivement, on a un problème.»

L'homme d'affaires et le chef d'orchestre, qui ont tous les deux grandi sur le Plateau-Mont-Royal mais ne se connaissaient pas avant de se lancer dans cette aventure, se rencontrent et décident d'agir. Ils se démènent pour sauver l'orchestre et trouver des fonds. On ne doit donc pas s'étonner que le principal commanditaire déniché soit également une entreprise de Montréal: Stingray Digital.

Les deux complices espèrent que cette première saison sur l'internet permettra d'aller chercher un nouveau public pour la musique classique, notamment chez les jeunes. «L'internet est l'extension naturelle de la diffusion, et permet d'offrir un contenu multimédia plus riche, dit Philippe Labelle. On veut être à l'avant-garde de ce qui se fait et rendre la musique accessible, non seulement en la diffusant gratuitement, mais aussi en la présentant de façon à ce que ce soit attrayant pour différents publics.»

Orchestre national de diffusion du Canada: http://nboc.ca