Après avoir lutté pendant trois ans et demi contre le cancer, Kate McGarrigle s'est éteinte à 63 ans dans sa maison d'Outremont, lundi soir vers 22 h. Elle était entourée de sa famille et de ses proches, dont ses soeurs Anna, avec qui elle a chanté pendant des décennies, et Jane, leur agente, ainsi que son fils Rufus Wainwright. Ne manquait que sa fille, Martha Wainwright, retenue à Londres.

Le premier enfant de Martha Wainwright, Arcangelo, devait naître le 18 janvier, mais il est venu au monde deux mois avant terme, à Londres, où sa mère travaillait. La jeune maman a subi une césarienne d'urgence et on a pu sauver le bébé. Mais comme Martha allaite son fils et qu'il est trop fragile pour prendre l'avion, elle n'a pu faire qu'un voyage éclair à Montréal pour voir sa mère, Kate McGarrigle, qui était dans le coma depuis samedi dernier.

«Martha n'a pu venir voir sa mère que pendant 12 heures et elle a dû retourner à Londres pour son bébé, d'expliquer Dane Lanken, le mari d'Anna McGarrigle, joint chez lui hier. Elle est repartie avant que Kate meure. Mais elle a pu la voir et, même si elle était dans le coma, Kate semblait savoir que Martha était là.»

Les funérailles de Kate McGarrigle auront lieu dès que Martha sera en mesure de revenir à Montréal, probablement à la fin janvier ou au début février.

«Je ne saurais dire combien d'opérations et de traitements Kate a subis depuis qu'on a diagnostiqué son cancer à l'été 2006, dit Dane Lanken. On lui a enlevé des parties du foie, des intestins. Chaque opération a réussi, mais ce genre de cancer revient toujours, de plus en plus fort.»

Quand elle est montée sur scène une dernière fois, lors du spectacle de Noël annuel du clan McGarrigle-Wainwright, le 9 décembre dernier au Royal Albert Hall de Londres, Kate McGarrigle était considérablement affaiblie.

Cette fois, on savait qu'elle ne s'en tirerait pas: son cancer était généralisé. Mais malgré ses traitements de radiothérapie début décembre, elle tenait à chanter avec sa soeur et ses enfants une dernière fois.

«Ce fut son plus beau spectacle, compte tenu des circonstances, affirme Rufus Wainwright, joint au téléphone hier après-midi. Sa santé était fragile, elle était affectée par la situation de Martha et son bébé, mais elle a pu voir l'enfant. Elle devait composer avec la vie et la mort, quoi! Ce soir-là, elle a tiré sa révérence comme une véritable showman, elle y a mis toute la gomme!»

Vendredi dernier, Rufus a annulé sa tournée australienne pour demeurer au chevet de sa mère: «J'aimais tellement ma mère, je voulais rester avec elle le plus longtemps possible. Elle m'a toujours fait confiance. Une des raisons pour lesquelles ma mère n'est pas devenue une énorme supervedette comme Carly Simon ou Linda Ronstadt, c'est que quoi qu'elle faisait - de la musique, élever ses enfants, compléter ses études universitaires - elle s'y consacrait toujours entièrement. Si j'ai retenu une leçon d'elle, c'est «ce que tu fais, fais-le bien!» Elle nous laisse aussi en héritage une chose fabuleuse: être vrai. Il n'y avait aucune différence entre la personne qu'on voyait sur scène et celle qui se maquillait une heure plus tôt. Je pense que c'est ce que le public aimait d'elle et ça nous a beaucoup aidés, Martha et moi, à survivre émotionnellement et physiquement dans ce métier.»

Ces dernières semaines, Rufus a vu sa mère perdre ses moyens, avoir de plus en plus de difficulté à marcher, à s'exprimer. «Ça soulage un peu de savoir qu'elle ne souffre plus et qu'elle est là-haut en train de chanter avec ses parents, Gaby et Frank», dit-il.

La force que lui a léguée Kate McGarrigle est évidente dans le ton énergique de Rufus au téléphone, et dans son rire nasillard si caractéristique. «C'est très très dur pour mes tantes, surtout Anna, bien sûr, ajoute-t-il. Beaucoup de gens les confondaient, elles se ressemblaient tellement; c'est comme si Anna avait perdu une partie de son corps. Et comme en plus Kate était le bébé de la famille, son décès n'est pas dans l'ordre naturel des choses.»

«Depuis trois ans et demi, Anna a été la compagne la plus fidèle et la plus dévouée de Kate, reprend Dane Lanken. Elle la suivait partout: chez le médecin, à l'hôpital, elle l'accompagnait à ses traitements, elle s'assoyait avec elle, l'attendait dans le corridor. Ce fut très difficile pour Anna aussi. Présentement, elle est vidée.»

Sa soeur partie, Dane Lanken ne croit pas qu'Anna va continuer à chanter. «C'est Kate qui est allée à New York dans les années 60 pour devenir chanteuse, rappelle-t-il. Elle a obtenu un certain succès seule, mais elle ne voulait pas chanter sans Anna. C'est à ce moment qu'elle a donné le fameux coup de fil à sa soeur, l'intimant de venir la rejoindre à New York. Anna n'aurait jamais fait carrière comme chanteuse sans Kate et ça m'étonnerait qu'elle chante à nouveau en public.»

La manière McGarrigle qui faisait de chaque concert des deux soeurs une soirée spontanée et sans prétention était unique dans le monde du showbiz. Mais pour elles, ce n'était rien de spécial, c'était l'essence même des soirées dans le salon des McGarrigle à Saint-Sauveur auxquelles Lanken a assisté dans son adolescence: papa Frank s'assoyait au piano et maman Gaby chantait, entourée de ses frères et soeurs Latrémouille, et de Jane, Anna et Kate.

«Frank a montré à ses trois filles à chanter en harmonie, se souvient Lanken. Elles n'ont jamais voulu être de grandes vedettes; chanter a toujours fait partie de leur vie et elles l'ont partagé avec d'autres.»