En assistant à la première du spectacle baptisé Comme au cinéma de Patrik et les brutes au Club Soda, mercredi, une question ne cessait de me turlupiner. C'était la même question que me turlupinait en écoutant le premier disque du groupe, lancé il y a deux mois sous le titre Toutes les filles sont folles de moi : que manque-t-il donc à Patrik et les brutes?

Bien sûr, il y a la voix assez nasillarde et parfois agressante de Patrick, mieux connu du nightlife montréalais pour ses dons de DJ sous le nom de DJ Plastik - mais on connaît des chanteurs à succès qui possède un tel timbre, notamment Plastic Bertrand.

Bien sûr, il y a aussi, dans les compositions originales de Patrik, une impression de «copier-coller » de tout ce qui a marché en glam-rock - mais n'est-ce pas ce qu'a fait The Darkness, avec un certain retentissement il y a quelques années? Bien sûr, l'esthétique de Patrik, très années 80, qui contraste énormément avec le look rock-indie de ses musiciens, n'est pas nécessairement heureuse - mais n'est-ce pas de ces contrastes et de ces antithèses que se sont construits des groupes comme Queen?

Je tourne autour du pot, car en fait, j'aurais beaucoup aimé aimer Patrik et ses Brutes, sur disque et sur scène. À cause de la volonté qu'il a de présenter de la musique plutôt joyeuse, dansante, à des années-lumière du mode «plainte constante» de tant d'artistes québécois. À cause de son look androgyne-travesti assumé qui réjouit l'oeil. À cause de son front de boeuf, joliment dissimulé sous sa coupe de cheveux blonds platine. À cause de sa volonté de chanter en français alors que l'anglais lui serait plus naturel, de la qualité de ses musiciens, de son accordéon et de ses costumes de scène.

Et puis parce qu'il n'avait pas ménagé les efforts pour essayer de se démarquer au Club Soda : la première partie du spectacle, de même que l'entracte, était un réjouissant montage de grandes scènes de films, de Roller Blade à Flashdance, de La planète des singes à Tootsie, de Deep Throat au Rocky Horror Picture Show, et j'en passe. Pour ouvrir la deuxième partie du spectacle, Patrik avait fait appel à une amie ballerine pour danser sur Here Comes The Sun des Beatles, en version acoustique. Le rythme de la soirée était soutenu. Et les éclairages du spectacle étaient franchement superbes.

Tout cela ne suffisait pas néanmoins à combler ce qui manque : un répertoire plus solide et surtout plus senti, une voix moins limitée (pendant sa reprise de Les histoires d'A. des Rita Mitsouko avec sa choriste Vicky Martel, c'est elle qui a marqué des points...), des chansons qui font une vraie impression sur le tympan, une interprétation sensible (c'est un comble, faire une version agressante et dénuée de sensualité de Donne-moi ta bouche de Pierre Lalonde...), la volonté de toucher véritablement le public, de lui offrir quelque chose dans lequel se projeter.

Comment dire? Patrik a peut-être réalisé son rêve avec ce spectacle, ce disque et ses Brutes, mais il a hélas oublié d'en offrir un, de rêve, aux spectateurs. Eh, que j'aurais aimé aimer ça...