Les musiciens québécois pressent Ottawa d'appliquer une redevance sur les supports audionumériques. Le chanteur Bruno Pelletier a fait circuler la semaine dernière une lettre visant à mobiliser ses collègues contre l'immobilisme du gouvernement fédéral relativement à la question de la redevance sur la copie privée, en vertu de laquelle un montant, perçu sur le prix des CD et cassettes vierges, est redistribué aux ayants droit.

Selon Annie Morin, directrice d'Artisti, la société de gestion de droits collectifs de l'Union des artistes qui compte près de 2200 membres, «quelques dizaines» d'artistes auraient déjà appuyé la lettre, qui devrait être envoyée aux médias prochainement «pour sensibiliser le public à la situation». Mme Morin, qui est aussi présidente de la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP), souligne que les sommes redistribuées aux ayants droit, en baisse de 60 % en trois ans, ont fondu comme neige au soleil.

«En 2008, les sommes disponibles à la redistribution étaient de 27,6 M$; en 2009, elles étaient de 19,8 M$, et on prévoit qu'elles seraient d'environ 10 M$ cette année», affirme-t-elle avant d'expliquer que cette baisse serait liée aux nouvelles habitudes des consommateurs.

Si la directrice d'Artisti insiste pour dire que l'initiative de Bruno Pelletier, membre du conseil d'administration d'Artisti, est celle d'un groupe d'artistes préoccupés par la situation, c'est sa société rattachée à l'UDA qui a sonné l'alarme il y a deux semaines en faisant parvenir un chèque de 0,00 $ à ses membres pour les amener à réfléchir.

Le message est clair: puisque plus personne n'achète la bonne vieille cassette, que la musique est désormais davantage copiée sur un baladeur numérique que sur un CD vierge, il faut relancer le débat à propos des redevances sur les «appareils destinés, conçus et mis en marché pour écouter de la musique», précise Annie Morin. Les iPods, par exemple, mais aussi les téléphones intelligents, disques durs et autres outils de stockage de mémoire virtuelle.

La bataille est cependant loin d'être gagnée. Il y a quatre ans, la Commission du droit d'auteur du Canada avait rejeté l'idée d'appliquer le régime de perception de la copie privée aux iPods et autres baladeurs mp3.

«Rien n'est prévu dans la loi à cet effet, mais en 2004, la Commission avait déjà prononcé un tarif s'appliquant à ces baladeurs, et ce tarif proposé allait de 2$ à 25$ par appareil, selon sa capacité de stockage», indique Annie Morin. «Dans l'éventualité où la Commission intervienne sur cette question, il faudra trouver l'équilibre entre les droits des artistes, des consommateurs et des fabricants d'appareils.»

Les artistes relancent le débat au moment où des rumeurs circulent à Ottawa concernant la nouvelle Loi sur les droits d'auteur au Canada, qui pourrait bientôt être déposée.

«Présentement, il y a péril en la demeure, s'inquiète Marie-Denise Pelletier. Le régime existe depuis 1997, il n'a pas été revu et on sait que le gouvernement Harper veut l'abolir. On est au début d'un processus de conscientisation. On se fait dire trop souvent que les artistes ne s'impliquent pas assez. Et on sait très bien que les grosses compagnies et les multinationales campent à Ottawa. Je crois sincèrement que si tous les artistes se tiennent par la main, on peut faire bouger les choses.»