Que s'est-il passé avec Karim, l'éternel frère aîné? Le Sénégalais demeure flou quand on lui pose la question. Mais on comprend que les deux hommes n'étaient pas exactement rendus au même point. «On a toujours tout fait ensemble. Mais on n'était pas prêts à faire quelque chose dans la même direction, explique Élage. C'est délicat. Parce qu'au départ, ça devait être un disque à deux. Mais Karim préférait attendre. Alors que moi, je voulais que l'album sorte cet été.»

Élage assure que les deux frères sont en bons termes. Le fait que Karim ne joue pas sur l'album n'a rien à voir, précise-t-il. Il était simplement au Sénégal pendant l'enregistrement. «On est frères quand même.» Mais il admet que Karim et lui auront éventuellement «quelques trucs à régler ensemble».

 

À 34 ans, Élage se retrouve donc seul pour porter le poids d'un disque. Seul pour prendre les décisions. Seul pour assumer le tout, artistiquement et financièrement. Tout un défi pour le chanteur-percussionniste, qui avait jusqu'ici multiplié les expériences collectives, que ce soit avec les Colocs, les Frères Diouf et le Cirque du Soleil (tournée Delirium, de 2005 à 2008).

Mais Élage n'est pas complètement seul dans cette galère. Il est endossé par l'étiquette de disques Tacca (Alfa Rococo, Anik Jean) qui fait ici sa première incursion en dehors de la pop music. En plus, une vingtaine de potes musiciens l'ont accompagné sur le disque, ne fut-ce pour une courte présence, comme c'est le cas de Jean Leloup et de Mike Sawatski, l'ancien guitariste des Colocs. L'album a par ailleurs été coproduit à trois, soit Guy Kaye (Jean Leloup, Youssou N'Dour), Alain Bergé (Leloup, Ève Cournoyer) et Élage lui-même.

Pour tout le monde

Et qu'est-ce que ça donne tout ça? Eh bien! comme dirait Élage lui-même: «Ça donne un disque de musiques du monde pour tout le monde.»

Vrai que Aksil pioche en différents endroits de la planète. Si les textes (majoritairement en wolof) et les mélodies renvoient plutôt à l'Afrique de l'Ouest, la musique s'abreuve à d'autres cultures, conséquence directe des nombreuses tournées faites par Diouf avec le Cirque: cornemuse écossaises sur Yone Wi, couleurs brésiliennes sur Tata, musque pop sur Nelawale, folk sur Fayar, on en passe. Le musicien s'offre en prime la reprise d'un vieux tube country (Man of Constant Sorrow) et d'une chanson de Francis Cabrel (Madame X).

«Je suis curieux de nature, lance Élage. Quand j'arrive dans une ville étrangère, j'ouvre la radio pour capter la «vibe». J'aime autant Sting que Peter Gabriel. Je ne vois pas pourquoi je me serais limité à un disque de percussions ou de musiques africaine.»

Débarqué en 1996 avec son frère et une troupe de danse sénégalaise, Diouf a vécu assez longtemps au Québec pour connaître les lois de notre industrie. Il sait que le marché des musiques du monde n'est pas le plus lucratif. Et que sans les Colocs et le Cirque, il lui faudra travailler plus fort encore pour se faire entendre. Déjà, un concert est prévu au Festival de jazz, en première partie de Salif Keita au Métropolis. Ainsi qu'au festival du Lac des Nations à Sherbrooke.

«Beaucoup d'artistes de musiques du monde sont venus ici et sont repartis parce qu'ils ne parvenaient pas à en vivre. Moi, j'ai fait le choix de rester, conclut Élage. J'espère seulement que les gens vont comprendre que les musiques du monde ce n'est pas seulement quelque chose qui se passe l'été et que ça mérite de vivre à longueur d'année. Jusqu'ici, c'est vrai que j'ai été chanceux. Mais là, c'est juste moi.

«Pas facile de voler de ses propres ailes. Il va falloir que je m'habitue. Mais après, quand la musique commence, c'est vrai qu'on oublie tout...»