De petit groupe punk-rock pas très sérieux à superstar aux albums sociaux percutants, Green Day s'est imposé en 20 ans comme l'une des rares formations intergénérationnelles. L'une des plus incroyables transformations de l'histoire du rock. Le groupe sera en concert demain, à Montréal.

Lors de sa formation, en 1989, rien ne destinait Green Day à cet incroyable succès planétaire actuel. À l'époque, malgré de solides albums punk-rock, le trio de jeunes écervelés fait plus les manchettes en raison de ses frasques que de ses qualités musicales. Après un déclin marqué, les musiciens se métamorphosent en rockeurs établis et crédibles avec une paire de brillants CD sur les tourments de la vie dans un nouveau millénaire. Une telle évolution ne se fera pas sans heurts et de profondes remises en question.

Dès ses débuts, à la fin des années 80, Green Day est le fer de lance du mouvement néo-punk, principalement californien. Le trio ne cache pas qu'il s'inspire des fondateurs britanniques du punk (Sex Pistols, Clash et autres Buzzcocks) et de leurs successeurs américains comme Hüsker Du et les Replacements, notamment dans les changements d'accord des chansons. Le trio écrit des mélodies simples et des refrains accrocheurs qui lui valent un succès presque immédiat dans l'underground.

Mais Green Day s'y sent vite à l'étroit et aspire à plus grand. Dookie, son troisième disque, l'établit clairement. Porté par le succès des extraits Basket Case et When I Come Around, le trio est adopté par toute une génération.

C'est probablement ce passage d'une petite maison de disques à une importante étiquette, en 1993, qui a été le premier signe des aspirations de Billie Joe Armstrong. Les puristes le traitent de vendu, mais le chanteur et guitariste n'en a cure: «Il m'était impossible de revenir à la scène punk, que nous ayons été le plus grand succès du monde ou le plus grand échec. Tout ce que je pouvais faire, c'est sauter sur mon vélo et aller de l'avant», dit-il dans une entrevue au magazine Spin, en 1999.

Mais quand on monte aussi rapidement, la chute est généralement marquée. Green Day touche le fond avec Warning, en 2000. Le groupe essaie de faire progresser sa musique, dans l'indifférence de plus en plus générale. Ce qui amène les incontournables remises en question et prises de bec, Mike Dirnt et Tré Cool dénonçant la mainmise d'Armstrong sur la formation. Après des années chaotiques, la thérapie de groupe finit par donner des résultats, avec la parution du remarquable American Idiot, en 2004.

Le surprenant opéra rock sert de catharsis à Green Day ainsi qu'à une certaine jeunesse traumatisée par les attentats du 11 septembre 2001 et le premier mandat de George W. Bush. L'album concept sur les carences du rêve américain fusionne les grandes habiletés mélodiques du groupe à l'écriture épique d'Armstrong. Il présente aussi Green Day à une nouvelle génération. Le succès critique et public est gigantesque et la réponse du groupe sur scène va avec.

Sans conteste l'un des meilleurs disques de la décennie, American Idiot fait des jaloux et s'attire aussi les foudres de la droite américaine, qui accuse Green Day d'antipatriotisme. C'est un peu court, d'autant plus que le trio multiplie les initiatives caritatives, dont la plus connue est certainement l'enregistrement avec U2 du simple The Saints Are Coming, en 2006, pour les victimes de l'ouragan Katrina.

Mais c'est 21st Century Breakdown, en 2009, qui va établir totalement la crédibilité de leurs nouvelles aspirations artistiques. Encore plus ambitieux, dense et touffu que le précédent, cet album se livre, à travers l'odyssée de Christian et de Gloria, à une charge en règle contre l'hypocrisie du christianisme, le gouvernement, les parents, les professeurs; bref, les modèles de l'Amérique du Nord actuelle.

Qu'on soit d'accord ou pas avec les constats sociopolitiques des deux oeuvres importe peu. Ils ouvrent une discussion critique sur l'ordre établi et les désillusions d'une jeunesse élevée dans la foi de la consommation. Dans le vide sidéral de la culture populaire actuelle, bien qu'un retour de balancier s'amorce, c'est considérable. Et beaucoup plus en phase avec l'esthétique punk de leurs prédécesseurs dont ils disaient s'inspirer en début de carrière.

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Green Day, demain 19 h au quai Jacques-Cartier.

Green Day en cinq dates

> 1989

Sweat Children change son nom pour Green Day et adopte sa forme actuelle avec Billie Joe Armstrong (chant/guitares) , Mike Dirnt (Michael Pritchard, basse) et Tré Cool (Frank Edwin Wright III, batterie).

> 1994

Sortie de Dookie (10 millions d'exemplaires vendus dans le monde) et performance à Woodstock II où le groupe vole la vedette avec un concert électrique et une bataille de mottes de boue.

> 2004

Sortie d'American Idiot (15 millions d'exemplaires vendus), brillant opéra rock qui relance la carrière du groupe.

> 2009

Sortie de 21st Century Breakdown, produit par Butch Vig, et adaptation d'American Idiot en comédie musicale, qui fera ses débuts sur Broadway le 20 avril 2010. Les critiques sont partagées.

> 2010

Consécration populaire ultime: le groupe a sa propre adaptation du très populaire jeu vidéo Rock Band

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