À l'école secondaire d'Iberville, à Rouyn-Noranda, les élèves sont tristes: un des profs d'éducation physique, qui donne en plus de super ateliers d'écriture, est en sabbatique, cette année. Ce prof, c'est Steve Jolin, alias le rappeur Anodajay, qui sort son troisième album, Et7era, après avoir réalisé et produit les disques des rappeurs québécois les plus marquants des dernières années -Samian, Dramatik, Koriass.

On ne voulait pas répéter ce que tout le monde a déjà dit, mais c'est vrai que Et7era est le 7e disque à sortir sur étiquette 7e ciel en 7 ans... Déjà sept ans pour une petite compagnie de disques et de production de spectacles, c'est rare. Pour une petite compagnie installée en région, c'est très rare. Alors, pour une petite compagnie installée en région et versée dans le hip hop, disons que c'est hypra-rare! Et c'est avec raison qu'Anodajay est fier de la chose.

C'est d'ailleurs une des choses frappantes chez lui, outre sa carrure de prof d'éduc: il est fier. Fier de sa région, fier d'être père (il est le papa d'Éli et Maé), fier d'être professeur, réalisateur, auteur, rappeur -ses ateliers d'écriture sont d'ailleurs reconnus par le ministère de l'Éducation!

«Moi, un de mes objectifs, c'est de changer la perception de ce qu'est le hip-hop. Non, c'est pas de la musique pour les jeunes faite par des «tout croches». C'est une musique qui s'adresse à tous ceux qui aiment les mots, à tous ceux qui aiment réfléchir sur ce qui les entoure. Le rap de Samian, de Koriass, de Dramatik et le mien, ce n'est pas du rap pour divertir, même si je n'ai rien contre ce genre de rap», explique avec conviction l'artiste de 33 ans, de passage à Montréal cette semaine.

C'est parce qu'il vit toujours en Abitibi-Témiscamingue que la pochette de Et7era est couleur cuivre, comme le minerai extrait dans la région depuis longtemps. Et que sur l'album, il s'est inspiré de la chanson Souvent, longtemps, énormément de Diane Tell (née elle aussi dans la région et dont les disques ont beaucoup tourné dans la famille Jolin) pour en faire un morceau hip hop très solide, baptisé Jamais su. Tout comme il l'avait fait sur son précédent album avec La bitt à Ti-Bi de l'Abitibien Raôul Duguay, devenu Le beat à Ti-Bi et qui a redonné vie à ce classique.

«Pour Et7tera, reprend-il, j'avais écrit des petits bouts de texte, c'était comme un casse-tête dont j'avais tous les morceaux, mais pas le temps de le faire! Je savais juste que je voulais en faire un album plus musical que les deux précédents. J'ai donc magasiné des beats et des musiques, j'ai travaillé avec DJ Horg (alias Félix-Antoine Leroux, que reconnaîtront peut-être les fans de Watatatow, et qui est le collaborateur attitré d'Anodajay), je me suis même réfugié dans son chalet pour écrire à mon goût, et j'ai fait appel à la chanteuse Annick Michel, qui a travaillé avec Leloup et Yann Perreau, parce que je voulais plus de présence féminine. Et je l'avoue, je m'étais mis un deadline pour finir le projet: le 7 septembre, sur 7e Ciel!» C'est en effet la date à laquelle a été lancé l'album.

Ça donne des morceaux comme Pensais-tu, à la Kanye West, ou l'imparable 7 chanceux. Intéressant mélange de facture old school -avec du scratching en masse, parfois, comme dans le bon vieux temps!- et d'électronica, Et7era parle aussi bien de la mort d'un cousin (Face à face) que de son coin de pays (Mon neighborwood, notez le jeu de mots), d'un enfant malade (Adulte avant mon temps) ou de ses copains rappeurs (la très énergique Le 7e régiment, enregistrée avec Samian, Dramatik et Koriass). À deux jours du pressage final du disque, il a eu le O.K. de Diane Tell (qui ne lui répondait pas jusque-là parce qu'il utilisait la mauvaise adresse internet).

«Ça donne, je crois, un disque plus conceptuel, plus large. Tu vois, j'ai baptisé le disque Et7era (prononcez «etcetera») parce que ça parle de choses qu'on n'énumère pas toujours, mais qui existent, ça parle de non-dits. Et puis, «et cetera», c'est aussi pour dire la suite des choses, la continuité, l'avenir», conclut le poète terre à terre et pourtant très classe de Rouyn-Noranda.