De passage à Montréal cette semaine pour parler disques, carrière en Russie et film, Lara Fabian éclate de rire quand on lui relate ce qui arrive quand on critique vertement son album. Mais reconnaît aussi qu'on peut être perplexe à l'écoute de son disque de reprises, toutes de grandes chansons écrites ou popularisées par des femmes qui l'ont influencée.

«J'avais fait une première version de ce disque, nettement plus jazz, avec Matt Herskowitz au piano, des cordes, etc. Mais quand la compagnie de disques (Universal) l'a écouté, eh bien, ce n'était pas ce qu'elle attendait de ce projet (NDLR: une seule chanson de cette première version se trouve sur TLFM, Nuit magique). La compagnie a accepté de refinancer un autre projet, et c'était très bien pour moi: je suis prête à toutes les expériences et je demeure convaincue qu'une vraie grande chanson peut se décliner à l'infini, avec divers types d'arrangements.»

Quitte à le faire, elle a donc poussé l'expérience à fond et décidé de faire un album nettement pop urbain, techno, dance, ce qui donne des versions de J'ai douze ans (Diane Dufresne) ou Une femme avec toi (Nicole Croisille) qui peuvent sérieusement hérisser: «Et c'est entièrement assumé en ce qui me concerne, rétorque-t-elle. Je savais parfaitement ce que je faisais quand j'ai fait appel au réalisateur Simon Climie, qui a réalisé les disques au son très Motown de Michael McDonald (ex-Doobie Brothers). Je voulais qu'on aille de ce côté plus up tempo. Je sais qu'on me critique à ce propos et que Gottingen de Barbara en urban pop, ça fait hurler certains. Mais c'est ce que j'ai voulu faire, consciemment. Et ça reste une des plus grandes chansons qui soient sur le sens du pardon.»

«De toute façon, reprend-elle, ce qui m'importe au moins autant que le disque lui-même, ce sont les lettres d'amour que j'ai écrites dans le livret à toutes ces femmes qui ont fait de moi ce que je suis (Nana Mouskouri, Céline Dion, Dalida, etc.), dont je suis une vraie fan. Ce sont toutes des femmes qui ont vécu et vivent dans l'absolu, toutes des femmes qui ont été des mecs, dans un certain sens.»

Russie, Chine...

Mère d'une petite Lou de 3 ans, Lara Fabian dit tout cela avec un vrai sourire. Parce que, de toute manière, quoi qu'on en dise, elle poursuit son chemin... y compris en Russie. «Il y a quelque temps, j'ai rencontré Igor Krutoi, un compositeur et pianiste qui est en quelque sorte un Elton John des pays de l'Est. À partir de ses musiques, j'ai écrit des chansons en anglais, espagnol, italien, et français - Igor en a fait une en russe, et on les a enregistrées sur un album qui sort début novembre en Russie, quand je vais faire quatre soirs de spectacle au Kremlin.»

«En écoutant ces chansons, poursuit-elle, j'ai eu l'idée de créer un personnage, Mademoiselle Jivago, une âme qui se souvient de toutes ses vies, de toutes les femmes qu'elle a été. On a donc tourné un film en 12 sketchs (réalisé par le réalisateur vidéo Alan Badoev) qui sortira l'an prochain: j'y suis tour à tour une simple mère, une femme battue, une danseuse prostituée, une vampire, une femme dans les camps de concentration...»

Entre-temps, Lara Fabian sera en spectacle en Chine en janvier prochain, tourne en Asie Mineure... et y chante aussi bien en français qu'en anglais: «Je crois que la voix est une langue, et cette langue me permet de passer d'un monde à l'autre, comme il m'a permis de vivre en Belgique, au Québec, en France, partout.»

Verra-t-on ici le spectacle inspiré du disque Toutes les femmes en moi, qui a fait quelque 90 représentations en France et dans lequel Lara Fabian chante en duo avec des hologrammes de Véronique Sanson, Maurane, Catherine Lara, etc.? Ça dépendra de la réception du disque au Québec. Quoi qu'il en soit, il est question qu'un disque live du spectacle TLFM sorte un jour. Et si tout va bien, on y trouvera, en boni, la première version plus jazz du disque, celle enregistrée avec Matt Herskowitz, Charles Papasoff, le Quatuor Alcan. C'est en tout cas la grâce que je nous souhaite.