Au sortir de l'entrepôt brassicole dans la nuit de samedi à dimanche, on pouvait certes conclure à une prise de contact réussie, mais pas exactement à la rencontre probante attendue entre musique symphonique et musique électro.

L'ouverture d'esprit du maestro Kent Nagano, la collaboration sincère de la direction artistique du festival Mutek et l'accueil de la Brasserie Molson ont certes généré un événement ayant atteint ses objectifs premiers: joindre un public plus jeune qui se pointe rarement aux concerts classiques, sortir l'Orchestre Symphonique de Montréal de son contexte habituel, amorcer un dialogue avec des formes musicales différentes que celles préconisées par la musique instrumentale dite sérieuse.

Rarement (sinon jamais), en tout cas, l'OSM peut jouer la Symphonie no 1 en ré majeur, Titan, de Mahler devant un auditoire aussi jeune. Public très majoritairement constitué d'adultes consentants entre 20 et 40 ans, dont l'idée du raffinement mélomane ne se limite plus au corpus classique... et dont l'intérêt pour ce répertoire n'est pas particulièrement marqué - si on se fie à l'âge vieillissant du public de l'OSM qu'on observe d'ordinaire à la Wilfrid.

D'où la nécessité d'une prise de contact avec une perspective aussi alléchante qu'un programme symphonique jumelé à une intervention technoïde. Et ce, dans un cadre idéal, il faut dire: l'environnement industriel, les bars, les éclairages, les montagnes de caisses de 12/24 de toutes marques Molson constituaient un décor parfait pour cette rencontre d'un autre type.

La sonorisation aurait pu s'y avérer erratique, elle m'a semblé remarquable dans le contexte. Je me suis d'ailleurs posté tout au fond de la salle pour entendre et conclure à une utilisation maximale des possibilités d'un tel «amphithéâtre» - qu'on ne peut évidemment comparer aux bonnes salles. Le seul irritant sonore, en fait, fut ces quelques décrocheurs qui se sont mis à parler fort en plein troisième mouvement de la symphonie, une fois de l'autre côté du rideau. De manière générale, il faut néanmoins conclure à une écoute exemplaire de ce public atypique, entrecoupée d'applaudissements fervents entre les mouvements que prenait soin de présenter le maestro sans faire de chichi. Très sympa.

Or voilà, c'est à une rencontre bien sommaire à laquelle nous avons assisté, nous qui avons rempli à craquer l'entrepôt jusqu'aux petites heures. Malgré tout le ravissement qu'on puisse éprouver pour  cette symphonie de Mahler, il est à se demander ce qu'elle figurait dans un tel programme. Déjà, la Messagesquisse de Boulez, éminemment moderne et servie en introduction, me semblait une pièce mieux appropriée. Mais la symphonie no. 1 en ré majeur? Quel lien pouvait-on tisser entre cette oeuvre et la musique électro?

Bien sûr, on a eu droit ensuite à une adaptation mahlerienne, arrangée par Ari Benjamin Meyers et jouée en direct par le Suisse Thomas Fehlmann avec cinq musiciens de l'orchestre - Titan One Du fehlst mir. Pour faire bref, j'ai eu l'impression d'un exercice de style auquel ont pris part des musiciens classiques. Bel effort pavé de bonnes intentions, d'accord... Et c'est tout.

Un long DJ set de Fehlmann avec projections et jeux de lumières s'ensuivit - d'ailleurs, pourquoi l'OSM n'a-t-il pas joui d'un tel accompagnement visuel? Au bout de son segment, Fehlmann ne m'avait pas convaincu. Impression de déjà entendu, formes sonores beaucoup plus proches de la fin des années 90 début 2000 que de la période actuelle. Forme déjà classique? Hmmm...

Pourquoi, au fait, n'avoir pas employé de jeunes compositeurs de la mouvance électroactoustique en meilleure phase avec la pop culture technoïde? On se posait la question lorsque Substance et Vainqueur ont proposé Scion Versions Live. Il était temps d'aller dormir...