Les 28 et 29 décembre, il se lancera des roches à gogo au Studio du Musée Juste pour Rire. Redoutables cailloux? Au sens figuré, il va sans dire. De surcroît, à l'amiable! Deux soirs consécutifs dans une salle de Montréal entre Noël et le Jour de l'an, cela signifie pour cette formation du comté de Maskinongé qu'elle est à un jet de pierre de la notoriété atteinte par Les Charbonniers de l'enfer et autres Vent du Nord.

Devant une foule immense réunie au parc Maisonneuve dans le cadre de la dernière Fête Nationale, la prestation des Tireux d'Roches a certes contribué à en tailler la réputation bien au-delà du milieu trad.

«Pour nous, ce fut majeur. Et ça ne nuit certainement pas à remplir nos salles! Or, nous avons lancé notre dernier album en février dernier (Cé qu'essé?) et nous n'avions pas présenté notre nouveau spectacle en salle à Montréal. Nous profitons du temps des Fêtes pour y revenir», soulève Denis Massé, chanteur, conteur et membre fondateur des Tireux d'Roches.

Mine de rien, cette formation à laquelle l'illustre Fred Pellerin a déjà participé, compte douze années de service. Inutile d'ajouter l'expérience acquise sur scène.

«Ce nouveau spectacle, on l'a peaufiné! On l'a rodé chez les Français, d'ailleurs; depuis une bonne dizaine d'années, Les Tireux y vont deux ou trois fois par an. Nous avons là-bas un public qui vient nous entendre en salle, et ce dans plusieurs régions - Poitou, Champagne, Cognac, Normandie, Charentes, Bretagne, etc. »

Denis Massé et ses collègues se défendent bien d'y jouer la carte de l'exotisme québécois.

«Sauf exception, nous n'y sommes pas exactement associés à la musique traditionnelle. Pour la majorité des Français qui assistent à nos concerts, il s'agit plutôt de musique du monde. Les Tireux, c'est quand même assez spécial comme sonorité. On a des instruments qui nous font sortir du trad.»

Le groupe se démarque effectivement par sa lutherie: aux guitares, harmonica, accordéon diatonique et podorythmes, typiques de la musique traditionnelle d'ici, s'ajoutent saxophone, clarinette basse, flûte traversière, banjo, bouzouki irlandais, contrebasse.

«En Europe, certains nous trouvent même des couleurs balkaniques, klezmer. On se promène un peu par là mais...  on ne se pose pas ces questions de style. On fait la musique qu'on aime. Nos influences musicales surgissent inconsciemment, on ne les impose pas. On s'inspire du trad et on avance avec ça avec notre public qui aime cette musique. Après ça? Je ne le sais plus!»

N'essayons surtout pas de lancer Denis Massé sur la piste des considérations taxonomiques. Les catégories, très peu pour lui. «Je n'aime pas les étiquettes. Trad moderne, néo trad... Mais bon, c'est vrai, notre concept consiste à rendre le folklore plus contemporain. Nous composons beaucoup à partir de cette tradition.

«Quand on sort du Québec, en tout cas, pas grand-monde n'essaie de nous définir. Même dans le reste du Canada! De l'Ontario jusqu'à la Colombie Britannique, ces considérations de genre ne semblent pas importantes. Tout ce que je sais, c'est qu'on détonne lorsqu'on y débarque avec du banjo, du saxophone ou de l'accordéon. Une sonorité nouvelle, ça c'est sûr. »

De surcroît, cette sonorité nouvelle provient de Maskinongé, un comté de Mauricie particulièrement reluisant sur le tableau trad par les temps qui courent. Denis Massé en résume la petite histoire: «Tout ça a commencé dans un café-spectacle, La Pierre Angulaire, dont j'étais copropriétaire et qui devint une coopérative pour le reste de son existence. De 1993 à 2000, il s'y présentait 100 spectacles par an. Dans le fond du rang! Nico et Fred Pellerin étaient de la grande famille d'origine, tout comme plusieurs artistes issus des villages environnants - Saint-Élie-de-Caxton, Saint-Paulin, Saint-Sévère, Saint-Étienne-des-Grès, etc.»

Est-il besoin d'ajouter que le conte fait partie de l'expression des Tireux?

«Quand Fred (Pellerin) était avec nous, explique Denis Massé, le conte occupait une grande place dans nos spectacles, à hauteur d'environ 60%. Maintenant ça occupe 10 à 20%;  le conte est intégré dans la mise en scène, imbriqué dans le répertoire.»

Le leader indique en outre que les musiciens ont changé  demais que l'instrumentation des Tireux reste la même depuis 2006.

«Nous avons longtemps roulé à trois puis, la demande augmentant, nous avons voulu grossir le son. Bien assis dans ce gros son, nous ne voulons plus en sortir! Ainsi, nous demeurons six sur scène: Dominic Lemieux (guitares, banjo, bouzouki irlandais, membre-fondateur comme moi), Pascal «Per» Veillette (harmonica et pieds), David Robert (percussions), moi-même (chant, conte, guitare, accordéon diatonique) sans compter nos membres montréalais c'est-à-dire Luc Murphy (saxophone, clarinette basse et flûte traversière, voix) et Igor Bartula (contrebasse, également membre de Caïman Fu) qui vient de se joindre à nous.»

Sauf Denis Massé, autodidacte de tradition orale, les cinq autres membres des Tireux proviennent d'une génération de musiciens éduqués, capables de lire la musique, qui transposent la tradition orale dans un contexte plus éduqué tout en respectant les bases originelles.

«Moi je ne lis pas la musique mais les gens qui m'entourent ont fait l'université, ils peuvent jouer du jazz, de la musique classique, de la pop. Ils amènent leurs couleurs dans cette musique traditionnelle. Qu'il s'agisse de collecte ou de composition.»

Lorsque notre interviewé parle de collecte, il parle de débusquer des chants et contes traditionnels pour ensuite les adapter à un contexte plus contemporain. «Nous l'avons beaucoup fait. Or, depuis dix ans, nombre de jeunes artistes néo-trad se sont mis à chercher intensivement, il est devenu plus difficile de trouver des histoires et des chansons. Il y a encore des perles à trouver mais... Il faut aussi se creuser la tête pour trouver des idées originales. Finalement, la tradition nous a beaucoup inspirés car notre dernier album comprend environ 60% de musique originale et 40% de musique réarrangée. Nous restons traditionnels dans l'approche.»

Et il reste encore beaucoup de roches à tirer, force est de déduire.

Précédés des groupes De Temps Antan et RéVeillons!, les Tireux d'Roches se produisent au Studio Juste pour Rire, 20h, les 28 et 29 décembre prochains.