C'est devenu une tradition du mois de janvier: l'industrie du disque crie au scandale contre le piratage quand Nielsen SoundScan fait son rapport annuel de ventes d'albums. Avec HMV qui a annoncé la semaine dernière la fermeture de 60 magasins au Royaume-Uni, c'est un argument de plus pour blâmer les gens qui désertent les magasins de disques pour le web. Mais ces derniers n'achètent pas nécessairement moins de musique; leurs habitudes de consommation ont tout simplement changé.

Le marché du disque a poursuivi son déclin en 2010 aux États-Unis. Mais si beaucoup de médias ont surtout rapporté une chute des ventes d'albums de 13 % aux États-Unis (chute qui est de 10 % si on considère les ventes d'albums numériques), les ventes de musique en général ont seulement subi une baisse de 2,4 %.

Même scénario au Royaume-Uni: la BPI (British Recorded Music Industry) a indiqué la semaine dernière que les ventes d'albums avaient chuté de 7 % et l'organisme en a imputé la faute au téléchargement illégal de musique. Or, le journaliste Robert Andrews, éditeur du site www.paidcontent.org, a fait la démonstration que les ventes de singles ont augmenté une fois de plus (elles sont passées de 67 millions à 162 millions de 2006 à 2010), si bien que, d'après ses calculs, les ventes de musique (tous supports confondus) ont légèrement augmenté de 2009 à 2010.

De 2008 à 2009, les revenus engendrés par l'industrie du disque britannique avaient également connu une hausse. Notamment en raison des droits d'auteur pour la diffusion de chansons à la radio et dans des films, séries télé, publicités et jeux vidéos, qui ont représenté plus de 20 % des revenus, mais aussi avec les recettes des services de diffusion gratuits (YouTube, Last.fm, Spotify), qui se rémunèrent grâce à la publicité.

L'appétit et l'intérêt des amateurs de musique sont toujours là. Au-delà de l'industrie du CD qui va en diminuant, il y a l'industrie de la musique qui est toujours en bonne santé. La preuve: l'industrie du spectacle se porte très bien. De 1999 à 2009, les recettes de ventes de billets de spectacle ont bondi de 1,5 milliard à 4,6 milliards en Amérique du Nord, selon Pollstar.

L'industrie subit des changements, mais elle ne va pas aussi mal qu'on nous le laisse croire.

En 2003, peu de gens croyaient à l'avenir d'un système légal de vente de musique en ligne. En 2010, le quart des albums vendus aux États-Unis ont été achetés en ligne, soit 86,3 millions d'unités.

Autre changement: les gens achètent plus de singles et moins d'albums.

En considérant tous les achats de musique (albums et singles) sur tous les supports, les ventes numériques ont généré 46 % des revenus aux États-Unis en 2010, contre 40 % en 2009 et 32 % en 2008.

Acheter de la musique sur l'internet est devenu une habitude pour bien des amateurs de musique. La semaine dernière, un internaute a proposé à la blague sur Twitter qu'iTunes mette en place un programme d'exclusion volontaire pour l'Apple Music Store, comme au casino.

Pour lui comme pour beaucoup d'amateurs de musique, la facture d'achats de musique en ligne est plus salée que prévu à la fin du mois. Sur iTunes, un mot de passe suffit pour conclure une transaction une fois que nos informations bancaires sont enregistrées.

Année record pour le vinyle

Le dernier rapport de Nielsen SoundScan nous apprend également que les ventes de vinyles ont connu un niveau record depuis 1991, avec 2,8 millions d'exemplaires vendus en 2010.

Pour ce qui est des nouvelles sorties, ce sont les vinyles de The Suburbs d'Arcade Fire, Brothers de Black Keys, Contra de Vampire Weekend et High Violet de The National qui ont trouvé le plus grand nombre de preneurs. Mais le vinyle le plus vendu est celui d'Abbey Road des Beatles, alors que Thriller de Michael Jackson est au cinquième rang.

Nous vous invitons par ailleurs à aller lire sur Cyberpresse un dossier que nous avions publié l'an dernier, intitulé «La résurrection du vinyle». Bien des gens nous avaient confié préférer la combinaison vinyle/MP3 au CD en plastique. (Il faut savoir que les vinyles sont vendus avec un lien pour télécharger également l'album en format MP3.)

Le rapport des ventes d'albums de Nielsen SoundScan pour le Canada devrait sortir au cours des prochaines semaines.

En rafale

> Selon ce que Kanye West a indiqué sur Twitter, le premier extrait de son album avec Jay-Z, intitulé H.A.M., est offert depuis ce matin. Quant au disque, qui a pour titre Watch The Throne, il devrait sortir au mois de mars, selon MTV.

> Les lock-outés du Journal de Montréal, à la rue depuis maintenant deux ans, organisent un deuxième Show du cadenas, le 24 janvier. Les têtes d'affiche sont de marque: Karkwa, les Zapartistes, Damien Robitaille et Bernard Adamus. Les billets sont en vente sur le réseau Admission, à la CSN et aux bureaux de RueFrontenac.com au coût de 20 $.

> Le premier extrait du nouvel album de Britney Spears, Hold It Against Me, a été dévoilé hier sur la Toile. L'influence pop/dance de Dr Luke est indéniable. Succès radio monstre à l'horizon, ainsi que dans un bar près de chez vous.

Suggestion de la semaine



Kaputt, chanson-titre du nouvel album de Destroyer (sortie: 25 janvier), est un bon avant-goût du groupe mené par le Vancouvérois Daniel Bejar, sous contrat avec Merge Records. Allez voir le clip en primeur sur la webtélé de Pitchfork. Un clip eighties, rêveur et sensuel - à l'image de la chanson - qui nous plonge au coeur des fantasmes d'un adolescent à lunettes: https://pitchfork.com/tv Soulignons que Destroyer sera en spectacle au Cabaret du Mile End, le 1er avril.

Sorties de la semaine



> Showroom of Compasion de Cake

> Best of N.e.r.d.

> Thank You Happy Birthday de Cage the Elephant

> Pipe Dreams de Mark Salling

> Angel of Babylon d'Avantasia

> Duos d'amour: Compilation, RYTHME FM

> Honeymoon Punch de Jenn Grant

> Valhalla Dancehall de British Sea Power