Natifs de Québec, Mathieu Collette et Jean-Michel Pigeon se connaissent depuis l'école secondaire, alors que Marianne Houle et François Lessard ont étudié ensemble en musique au cégep de Drummondville. Ensemble, ils forment Monogrenade, un groupe qui sort son premier album officiel mardi, et dont la rumeur favorable est justifiée.

En juin 2008, Monogrenade a sorti un premier EP chez Paper bag Records, La saveur des fruits, qui a suscité un enthousiasme que le groupe n'avait pas prévu.

«On n'avait aucune attente et vision à long terme», raconte Jean-Michel Pigeon, qui avait quitté le groupe Winter Gloves pour que ses compositions volent de leurs propres ailes.

Grâce au pouvoir et à la gratuité du web, le magnifique clip en stop-motion de Ce soir, réalisé par le photographe Christophe Collette (le frère du batteur du groupe Mathieu Collette), a été vu plus de 175 000 fois. «Ça nous a beaucoup aidés.»

Entre-temps, Marianne Houle a offert ses services de violoncelliste. «Je cherchais des projets qui avaient du potentiel et je suis tombée sur leur MySpace», raconte celle qui a étudié au cégep avec le bassiste François Lessard.

Des mois plus tard, Monogrenade s'est retrouvé parmi les trois derniers finalistes aux Francouvertes, aux côtés des Alex Nevsky et Bernard Adamus, consacré grand gagnant. Le groupe, qui avait «peu de spectacles dans le corps», a eu le vertige. «Tu pars de rien, tu es habitué de jouer devant tes parents et tes amis, et tu retrouves aux Francouvertes. On ne savait même pas comment gérer les entrevues», raconte Mathieu Collette.

Monogrenade affirme avoir fait son pire spectacle lors de la finale. Tout de même, il s'est retrouvé bon troisième. Et l'automne dernier, lors du showcase de M pour Montréal, Monogrenade a été le coup de coeur d'un journaliste des Inrocks. «Cette année, c'est quelques dizaines de neurones qu'on laissera, avec joie, dans les dédales soniques et constructions pop passionnantes de Monogrenade (...) l'une des révélations du festival», a écrit Thomas Burgel.

Un chalet plutôt qu'un studio

Avec un contrat de disque en poche (étiquette Bonsound), les membres de Monogrenade se sont reclus dans un chalet de Piedmont, l'automne dernier, pour enregistrer ce qui allait devenir Tantale. Ils n'étaient plus que quatre, puisque Frédéric B. Girard avait quitté le groupe pour «prendre une autre direction musicale».

Durée de leur retraite musicale: deux mois. Conclusion: trop long. «On a appris beaucoup sur la notion d'espace-temps», blague Jean-Michel Pigeon.

«Nous sommes arrivés dans le chalet en nous disant: wow, on a deux mois pour faire plein de pièces et d'explorations, raconte François Lessard. On aurait pu aller dans un studio, mais on préférait être entre nous. Sauf qu'à un moment donné, tu n'entends plus rien et tu fais juste ça du matin au soir.»

N'empêche, le groupe a pu s'amuser dans tous les recoins du chalet, en utilisant par exemple le «reverb naturel» de la piscine intérieure. Et quand la fin des deux mois prévus au chalet s'est fait sentir, la pression de boucler le tout a porté ses fruits.

En écoutant les chansons de Tantale, il est impressionnant de voir que le groupe a accouché d'un album concis sans s'éparpiller, lui qui n'avait pas les conseils et le deuxième regard d'un réalisateur en studio.

Le premier extrait, M'en aller, est un tour de force. Monogrenade réussit à garder le fil en passant d'une introduction aux claviers à un refrain pop à la voix transformée à l'ordinateur, qui débouche sur un bridge de cordes classiques et une finale angoissante. «C'est l'une des premières chansons qu'on a montées full band», souligne Marianne Houle.

L'éclectisme est une caractéristique des chansons de Monogrenade, souligne avec raison Jean-Michel Pigeon, dont le chant a des ressemblances avec celui de Louis-Jean Cormier de Karkwa, surtout sur une pièce comme D'un autre oeil. Des sonorités organiques juxtaposent des échantillonnages électros, et le rock du groupe puise dans le pop comme dans l'instrumental.

Par rapport à La saveur des fruits, ça va de soi: Tantale est mieux construit et plus étoffé. «On a tellement passé de temps sur ce disque-là. J'ai hâte qu'il sorte», dit François Lessard.