Bonne nouvelle pour les fans de Kate et Anna McGarrigle: deux disques d'enregistrements inédits des chanteuses québécoises paraissent à quelques mois d'intervalle. Anna McGarrigle s'en réjouirait pleinement si sa soeur cadette était encore de ce monde.

Quand Kate McGarrigle a perdu son long combat contre le cancer, le 18 janvier 2010, son fils Rufus nous a dit: «C'est comme si Anna avait perdu une partie de son corps.» Anna, la grande soeur sans qui Kate ne voulait pas faire carrière et qui a arrêté de confectionner des marionnettes pour aller la rejoindre dans un studio d'enregistrement à North Hollywood en 1974. La même Anna qui, avec leur mère Gaby Latrémouille, est allée chercher Kate à New York en 1976 pour la ramener à la maison.

«C'est quelque chose que je n'oublierai jamais, raconte Anna au téléphone. Loudon (Wainwright) venait de laisser Kate, et pour elle c'était un choc. Je pense qu'il trouvait difficile que sa femme soit en concurrence avec lui. Nous sommes allées chercher Kate et ses deux enfants, Rufus et Martha, à New York et quand on est sortis de son appartement sombre, je me suis dit maudit que c'est un endroit déprimant, ça va aller beaucoup mieux à Saint-Sauveur et à Montréal! C'est alors que j'ai écrit la chanson Kitty Come Home pour elle.»

Cette fort belle chanson a trouvé sa place tout naturellement sur le deuxième album des soeurs McGarrigle, Dancer With Bruised Knees, qui, comme leur premier disque éponyme, a été remastérisé et sera en magasin mardi avec un CD de chansons inédites. Ce troisième CD qui comprend des maquettes de Kate seule ou avec Anna et des versions différentes de chansons connues enregistrées de 1971 à 1974 est le véritable trésor de Tell My Sister.

Curieusement, Tell My Sister sort quelques mois à peine après une autre compilation d'inédites, Odditties, qui regroupe des chansons des McGarrigle ainsi que des emprunts au «père de la chanson américaine», Stephen Foster, ou encore la traditionnelle À la claire fontaine. Anna explique: «Kate et moi, on faisait transférer nos vieilles bandes qu'on mettait de côté sur nos portables en se disant qu'elles pourraient se retrouver sur Odditties. On n'avait jamais le temps de compléter le travail, mais ce n'était pas important. On voulait juste s'occuper pour ne pas penser à ce qui s'en venait (NDLR: la maladie de Kate).»

Les chansons de Tell My Sister, elles, dormaient dans les coffres de Warner Brothers à Los Angeles. Kate et Anna ont eu vent de ce projet de réédition il y a environ cinq ans. «Ils nous ont envoyé des copies des CD qu'ils avaient faits à partir des maquettes, mais on ne les a même pas écoutés, puis on les a égarés. Je suis sûre que je vais les retrouver un jour», raconte Anna en riant.

Chanson pour Henri Richard

Il existe d'autres inédits des soeurs McGarrigle. Comme des enregistrements des années 80 faits par Kate, son chum Pat Donaldson, leur parolier français Philippe Tatartcheff et Anna elle-même quand elle n'était pas occupée à élever ses jeunes enfants. «Ce sont des chansons pas mal drôles sur lesquelles il y a toujours une batterie électronique, donc le même genre de beat, et un synthétiseur. Mais c'est encore le son McGarrigle. C'est mon prochain projet, mais je ne sais pas si c'est quelqu'un d'autre qui va le sortir.»

En 1974, Anna McGarrigle a enregistré avec des amis à New York une chanson en hommage à Henri Richard. Pour la face B de ce 45-tours, elle a écrit en 20 minutes Complainte pour Ste-Catherine qui est à ce jour la chanson la plus connue des McGarrigle chez les francos. Cette amusante complainte s'est retrouvée sur leur premier album américain, annonçant ainsi une tradition d'inclure au moins une chanson en français sur chaque disque. «C'était notre signature», fait remarquer Anna.

Entendra-t-on un jour sa chanson sur le Pocket Rocket? «Elle appartient à André Perry (NDLR: réalisateur et proprio, à l'époque, du célèbre Studio à Morin Heights). La chanson a été composée en 1973 (NDLR: quand le Canadien et son capitaine Henri Richard ont gagné la Coupe Stanley), mais on l'a enregistrée en 1974 quand le Canadien a perdu en quart de finale. Elle marchait en 1973, mais elle n'était plus bonne en 1974!» raconte Anna en riant.

Si elle est heureuse que paraisse aujourd'hui Tell My Sister, Anna McGarrigle parle d'un plaisir mitigé parce que sa soeur n'est plus là. «Elle aurait tellement aimé ça. Donc je vais essayer de me mettre à sa place et d'apprécier ça autant que Kate l'aurait fait.»

Sans sa soeur bien-aimée, Anna McGarrigle ne chante plus, sauf pour lui rendre hommage avec la famille et les amis. Elle l'a fait en juin 2010, à Londres puis à la salle André-Mathieu de Laval lors du concert «vraiment magnifique» de sa nièce Martha Wainwright. Elle le fera encore au Town Hall de New York à l'occasion de deux concerts, les 12 et 13 mai, dont les profits seront versés à la Fondation Kate McGarrigle pour la recherche sur le sarcome. Rufus et Martha Wainwright y seront évidemment, tout comme Norah Jones, Jimmy Fallon, Anthony Hegarty et Emmylou Harris dont le tout récent album comprend la chanson Darlin' Kate en hommage à son amie disparue.

«Emmylou était très proche de Kate, souligne Anna. Sa chanson est vraiment belle. Quand elle me l'a envoyée, je n'étais pas capable de l'écouter. Je pleurais tout le temps.»