La baraque où vit Ibrahim «Bibi» Gasi, principal chanteur de GRUBB, n'a de maison que le nom. La charpente est faite de madriers chétifs qu'on voit au plafond du séjour. Des épaisseurs de carton et de couvertures tiennent lieu de murs. L'étanchéité du toit repose entre autres sur des couches de sacs de plastique, alors que d'épaisses couvertures posées à même le sol font office de plancher. Une maison construite avec les moyens du bord et cernée de détritus, comme toutes les autres du ghetto où il habite.

Sa famille, qui fait partie de la frange la plus vulnérable de la population de Serbie, s'est installée sur ce terrain vague situé en plein Belgrade il y a cinq ans. Elle est l'une des plus anciennes de ce mahala (ghetto, dans le jargon local) qui ne bénéficie d'aucune infrastructure sanitaire ni d'eau potable et où le branchement électrique est artisanal et assurément illégal. «Ici, ce n'est pas une vie», résume sa mère, Tchama.

Belgrade compte entre 50 et 100 de ces «colonies informelles», selon Amnistie internationale, qui a publié en avril un rapport alarmant sur les conditions de vie d'une grande partie de la population rom de Serbie. Ces enclaves ne sont pas toutes des bidonvilles. Bibi, ses parents, l'un de ses quatre frères, sa belle-soeur et ses neveux et nièces figurent parmi ceux qui vivent dans les conditions les plus inhumaines. Sous la menace constante d'une expulsion, de sucroît.

En août 2009, un important mahala situé à proximité, près de l'un des ponts enjambant la Save, a été rasé par les autorités municipales. Des familles chassées par la destruction de ce campement de fortune ont d'ailleurs trouvé refuge dans celui-ci. La famille de Bibi craint que la même chose ne lui arrive. Scander, le père du jeune homme, raconte que les gens qui travaillent à la construction d'un nouveau pont, non loin de là, les ont prévenus qu'ils seraient bientôt expulsés. «À la fin du mois de mai», précise-t-il.

Bibi et sa famille ont déjà commencé à construire une vraie maison, dans les environs de l'aéroport. «J'espère qu'on pourra s'installer dans cette maison et vivre là», dit Scander. Mais ils manqueront vraisemblablement de temps. Et assurément d'argent. Les seuls soutiens financiers de cette famille d'environ 10 personnes sont Bibi, le benjamin, et son père, qui fait de l'entretien mécanique dans un hôpital.

Dans le quotidien difficile de la famille, Bibi, qui termine ces jours-ci son primaire, à 18 ans, est une source d'espoir. «Participer au projet a une influence positive sur lui. Tout le monde l'encourage à aller à l'école», assure son père. «Il nous donne de l'espoir et de la force pour finir la maison, affirme sa mère. Le plus difficile en ce moment, c'est de finir la nouvelle maison.»