Et pourquoi Ratchet? «Pour rien», répond le principal intéressé, haussant les épaules avant que son interlocuteur lui serre la main et passe à un autre sujet.

Pourquoi donc Orchestra? Sans se faire prier, il avait tout expliqué.

Le contrebassiste Nicolas Caloia est le leader et compositeur du Ratchet Orchestra, qui réunit une trentaine de musiciens montréalais et pas les moindres. Osons croire que ce grand ensemble est représentatif de ce que le Festival de Victoriaville a jadis identifié comme étant la musique actuelle. Une notion qui a certes progressé depuis les années 80. D'où l'invitation du Ratchet Orchestra ce samedi.

Sur le portail du studio Hotel2Tango, clope au bec, Nicolas Caloia parle calmement. Le ton est doux, le registre plutôt grave. Ne manifeste ni montée soudaine ni forte ponctuation. On a tôt fait de deviner la détermination que recouvre cette apparente linéarité. La rhétorique se déploie lentement, sûrement, à l'instar des orchestrations du Ratchet. Les phrases s'articulent, on en ressent l'intensité croissante.

Nicolas Caloia a appris sur le tard. Même si on a fait dans le punk rock au cours de l'adolescence, commencer à jouer de la contrebasse à 18 ans, c'est tard pour un musicien désireux d'en faire une profession. S'attaquer à une telle bête implique illico une forte personnalité dans le jeu comme dans le style.

«Je ne m'étais pas installé à Montréal pour la musique. J'y étais venu parce qu'était venu le temps pour moi de quitter Ottawa... J'ai alors rencontré le contrebassiste Lisle Ellis qui m'a initié à l'instrument et au jazz contemporain. Lisle fut très important pour moi. Depuis ce temps, je n'ai jamais cessé de jouer. J'ai eu la chance de côtoyer plusieurs excellents musiciens, issus de différents horizons. Jean Derome a aussi été une grande influence, tant pour sa musique que pour son humanité. Aussi j'ai beaucoup aimé NOMA du tromboniste Tom Walsh et le groupe Wreck Progress du batteur Michel Ratté. Plus récemment, j'ai joué entre autres avec Lori Freedman, Isaiah Ceccarrelli, John Heward, Sam Shalabi, etc.

Au fil du temps, les ensembles de Nicolas Caloia ont changé de configuration; d'abord un quatuor, puis un septuor, et un octuor.

«Dans les années 90, j'avais repris les arrangements de Sun Râ afin de les jouer avec mon groupe. Pour ce, j'avais rencontré l'homme. La découverte de cette musique et de cette communauté de Sun Râ m'avait donné plein de permissions, si ce n'est que celle de réunir des musiciens de styles très différents.

«Fin des années 90, j'ai fait moins de concerts, je trouvais le contexte trop conservateur à Montréal. Les choses ont changé depuis, car je trouve la scène d'aujourd'hui beaucoup plus vibrante. L'esprit y est plus ouvert, il y a plus d'endroits pour jouer et les musiciens que je côtoie n'ont pas qu'un genre musical à l'esprit. Enfin, je me sens plus apte à  écrire, arranger, organiser, produire.»

Sans faire de vagues, un premier album du Ratchet Orchestra a été lancé en 2007. «Là, je suis plus sérieux», affirme Caloia, sourire en coin... et  conscient des contraintes inhérentes à une telle entreprise.

«Pour le nouvel album que nous enregistrons cette semaine, je profite d'un programme de subventions qui vient d'être éradiqué. Je veux donc faire quelque chose qui va durer. Un grand ensemble, vous savez, c'est compliqué. Jouer une ou deux fois par an, honnêtement ça me suffit! Si on pouvait en vivre, ce serait autrement... Or les orchestres de cette taille qui jouent régulièrement hors du milieu classique, ça n'existe plus. Alors? Pour faire bien sonner un groupe en de rares occasions, il faut que tes partitions et consignes soient très claires. Il faut aussi savoir avec qui tu travailles, il te faut écrire pour chacune des personnalités. »

The Ratchet Orchestra n'est pas un big band de jazz, insiste son leader.

«Je préfère l'expression grand ensemble. D'ailleurs, j'aime autant les orchestres symphoniques et les orchestres de chambre que les big bands. Ma musique ne se fonde pas sur le swing. Ma musique est  une succession de phases et décalages qui me permettent de créer un environnement sonore qui m'est propre.»

NOTE INFRA

Dans le cadre du Festival international de musique actuelle de Victoriaville, le Ratchet Orchestra se produit samedi, 15h, au Colisée des Bois-Francs: avec Craig Dionne, Jean Derome, Lori Freedman, Gordon Krieger, Christopher Cauley, Louisa Sage, Damian Nisenson, Jason Sharp, Gordon Allen, Philippe Battikha, Tom Walsh, Scott Thompson, Jacques Gravel, Thea Pratt, Eric Lewis, Noah Countability, Joshua Zubot, Guido Del Fabbro, Brigitte Dajczer, Jean René, Gen Heistek, Norsola Johnson, Chris Burns, Guillaume Dostaler, Ken Doolittle, Michel Bonneau, Isaiah Ceccarelli, John Heward, Gabriel Rivest et Nicolas Caloia. Pour infos : https://www.fimav.qc.ca/