Visionner un clip sur sa télé ou sur son ordinateur portable, c'est une chose, mais le voir sur un écran géant dans une salle obscure, c'est le ramener dans toute sa splendeur à l'essentiel, c'est-à-dire un court métrage inspiré d'une chanson, qui peut prendre une forme traditionnelle, mais qui pourrait aussi presque exister en soi sans la musique.

Parce que le clip est un art, le Musée d'art contemporain (MAC) consacre actuellement la sixième mouture de sa série Vidéomusique à un artiste qui avait participé à la toute première série, Louis-Philippe Eno. Le vidéaste a réalisé plus d'une centaine de clips, que ce soit pour Les Trois Accords, Malajube, Pierre Lapointe, Plants & Animals ou Dumas.

Tous deux originaires de Victoriaville, Dumas et Eno sont des amis très proches. Adolescent, le musicien jouait dans les courts métrages faits maison de l'apprenti réalisateur. «J'ai commencé très jeune à faire de la télé communautaire, raconte Louis-Philippe Eno, aujourd'hui âgé de 31 ans. Puis j'ai commencé à faire des films dans le garage d'autobus de mon père. J'achetais mes décors et de l'éclairage de jardin chez Canadian Tire. Mon grand rêve, c'était de participer à la Course destination monde

Mais quand le jeune homme est revenu d'un long séjour en Nouvelle-Zélande pour apprendre l'anglais, la mythique émission n'existait plus. Hésitant entre des études en journalisme et en cinéma («la photographie de guerre m'intéressait beaucoup»), Eno a finalement choisi la seconde option, à l'Université Concordia.

C'est avec Dumas que le jeune réalisateur a commencé «à mettre des images sur la musique». Après ses études, il a rencontré des gens de NuFilms, qui l'ont convaincu - malgré ses réticences - de réaliser des clips.

Le clip du tube Hawaïenne, des Trois Accords, a été l'un des premiers bons coups d'Eno. On y voit les membres du groupe dans un chalet, en plein hiver, en train d'interpréter la chanson au contenu loufoque de façon impassible, puis déchaînée, donnant un résultat drôle et absurde. «J'étais le seul à ne pas faire un pitch avec des filles hawaïennes, se souvient Eno. À l'époque, dans le clip, c'était la formule: le groupe chante et il y a une petite histoire basée sur la chanson.»

À l'époque, Eno s'est beaucoup inspiré des univers éclatés des Michel Gondry, Spike Jonze et Jonathan Glazer. «Peu importe la technique, je voulais qu'il y ait un concept.»

Les clips d'Eno sont en effet des «clips-concepts». En témoignent les Vikings dans le clip d'Étienne d'août de Malajube, les membres des Trois Accords en musiciens d'un orchestre symphonique pour le clip de Ton avion, ou encore l'animation avec les animaux pour celui de Death of a Tune de The Hidden Cameras.

«J'ai travaillé avec des artistes émergents et hyper intéressants», souligne-t-il.

Pour Eno, le clip a été un laboratoire. «J'étais amer à la sortie de l'université. Le film que j'avais en tête, je n'étais pas capable de le mettre en images. Le clip est devenu une plateforme pour apprendre mon métier.»

Depuis quelques années, le réalisateur fait beaucoup de publicités avec Jet Films, que ce soit celle de la Sloche ou de Sports Experts avec Sidney Crosby. «Des chanteurs, ce ne sont pas des comédiens. Je voulais faire parler des gens.»

Eno a aussi réalisé quelques courts métrages, dont Jonathan et Gabrielle et Le trio, présenté au dernier Festival de Cannes. Il travaille à un scénario de long métrage, dont le titre de travail est La famille de Sabrina, avec la boîte Metafilms.

«Le cinéma n'est pas un but ultime, précise Louis-Philippe Eno. J'aime explorer dans chacun des formats. Le théâtre et la scénographie m'intéressent aussi.»

Un projet avec David Lynch

Le réalisateur a par ailleurs travaillé avec David Lynch à un projet hybride intitulé Dark Night of the Soul. Danger Mouse et le défunt Sparklehouse ont enregistré un album de 13 chansons avec la participation de plusieurs artistes de renom, dont The Flaming Lips, Jason Lytle, Julian Casablancas, Black Francis, Iggy Pop et Suzanne Vega. David Lynch a créé du contenu visuel pour chaque pièce. Alors que le créateur de Twin Peaks prenait des photos, Louis-Philippe Eno filmait. En a résulté un montage vidéo, qui fait partie de la rétrospective du MAC, en plus d'une sélection de six clips.

David Lynch n'a pas un grand ego, mais «c'est un personnage». «Nous travaillions dans une proximité fascinante.»

Louis-Philippe Eno réalisera-t-il d'autres clips? Sans doute. Tant que le projet «va au-delà de la formule» et lui permet de «se mettre en danger».

Quoi qu'il en soit, le réalisateur remercie le musée de rendre hommage à l'art du clip. «En consacrant de l'espace à un médium qui a juste 25 ans, le musée laisse entrer la culture populaire.»

Le MAC présente Vidéomusique VI, du 8 juin au 14 août 2011 (sauf du 20 juin au 4 juillet pendant le FIJM)

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