Grâce à son «détecteur de tubes» breveté, la petite boîte montréalaise Hitlab veut révolutionner la façon de découvrir les futures stars de la musique. Un projet qui a suscité l'intérêt du chanteur Akon, qui y a misé son propre argent. Portrait d'une entreprise au parcours inusité.

Détourner un algorithme inventé pour détecter des cancers du sein pour lui faire déterminer les prochains succès musicaux. Convaincre le mauvais garçon du R & B américain, Akon, de sauter dans le bateau. Se lancer tête baissée dans des projets de radio, de télé, de jeu internet, de vente de musique, de spectacles...

Hitlab, une petite boîte montréalaise qui n'a pas encore fait un cent de profit, s'apprête à tirer de tous les côtés pour tenter de se tailler une place dans l'industrie de la musique. Le point crucial du «ça passe ou ça casse»?

«Exactement. Juste dans les deux prochains mois, on lance six nouvelles plateformes», dit Tomas Gauthier, président et fondateur de l'entreprise, assis dans un fauteuil rococo installé dans un loft industriel du Vieux-Montréal.

Pour l'aider à gagner ce pari entrepreneurial, l'entreprise montréalaise peut compter sur un poids lourd de l'industrie musicale. Akon, star et prospère homme d'affaires qui possède autant des étiquettes de disques que des mines de diamants en Afrique, est l'un de ses principaux investisseurs.

«Hitlab, c'est l'avenir de la musique, c'est l'avenir de la distribution de musique numérique, c'est l'avenir de la découverte d'artistes», martèle le chanteur, à quelques jours du spectacle qu'il donnera aujourd'hui à Montréal avec cinq des protégés de la boîte.

En écoutant le président Tomas Gauthier raconter comment est née cette association entre de jeunes entrepreneurs montréalais et la vedette américaine du R & B, on en vient à se demander s'il ne s'agit pas d'une blague destinée à piéger un journaliste. Parce que l'histoire d'Hitlab est aussi improbable qu'inusitée.

Du cancer à la musique

L'aventure débute dans un laboratoire de Lyon, en France, alors que des chercheurs inventent un algorithme capable de détecter des tumeurs cancéreuses. Leur logiciel, basé sur l'intelligence artificielle, compare les scanographies des patients à une banque de scanographies connues pour savoir si elles contiennent des tumeurs.

À la fin des années 90, une société d'exploration minière québécoise, Diagnos, achète la technologie et la met au point pour l'adapter à la détection non pas de tumeurs, mais de gisements miniers. C'est en cherchant à en diversifier les applications que l'idée germe d'utiliser l'algorithme pour déterminer les tubes musicaux.

Tomas Gauthier, fils du fondateur de Diagnos, lance alors Hitlab pour développer la chose. L'idée: prendre une chanson inconnue et la comparer aux succès du Billboard 100 pour savoir si elle est de la même trempe que les succès passés. Rythmes, fréquences, sonorités: l'algorithme scrute 84 variables pour détecter un futur succès.

Véritable outil scientifique ou technique de marketing? «On l'a testé avec de vrais succès et ça marche», assure Tomas Gauthier, qui signale que la technologie est protégée par un brevet aux États-Unis.

Pour rentabiliser l'affaire, Hitlab commence par offrir aux artistes émergents un service permettant de mesurer le «potentiel de succès» de leurs oeuvres contre 30 $. Par le truchement de connaissances communes, la jeune boîte montréalaise prend alors contact avec le chanteur Akon pour voir s'il souhaite s'y associer.

«Ils voulaient mon visage pour promouvoir Hitlab. Mais quand j'ai vu la technologie, j'ai été tellement soufflé que j'ai décidé d'investir», raconte Akon, qui a pris une participation de 50% dans l'entreprise.

Depuis, le « laboratoire à tubes » est utilisé pour tenter de dénicher et promouvoir les futures vedettes musicales. Ce soir, sur la scène du Palais des congrès de Montréal, Akon accompagnera cinq artistes justement découverts grâce au fameux détecteur de succès.

Après avoir lancé des émissions de radio pour promouvoir les artistes de Hitalb les plus populaires, l'entreprise parle maintenant d'une émission de télé aux États-Unis.

Hitlab veut aussi créer un jeu en ligne où les internautes se mettront dans la peau d'un promoteur musical et tenteront de vendre la musique des protégés de l'écurie. Une façon de faire la promotion des futures vedettes... en mettant le public à contribution.

N'y a-t-il pas un risque pour une si petite entreprise de se lancer dans autant de projets en même temps? «Avec la technologie d'aujourd'hui, le risque serait de ne pas faire tout ça, répond Akon. Si on veut rejoindre notre auditoire, il faut utiliser tous les outils à notre disposition, de la radio à l'internet en passant par la télévision.»

Akon dit passer aujourd'hui davantage de temps sur Hitlab que sur ses deux étiquettes de disque. «Konvict Muzik, maintenant, ça roule un peu tout seul, confie-t-il, en parlant de son principal label. Tandis qu'il y a plein de développements chez Hitlab.»

Quant à ses mines de diamants en Afrique, sur lesquelles les projecteurs avaient été braqués après la sortie de Blood Diamond (un film qui dénonçait le fait que les profits de cette industrie servent souvent à alimenter les conflits africains), Akon refuse d'en parler. «Parlons plutôt de l'industrie de la musique», lance-t-il lorsqu'on aborde le sujet.

Un homme d'affaires, ce Akon? «Si quelqu'un qui prend de bonnes décisions financières est un homme d'affaires, alors je suppose que j'en suis un», répond le principal intéressé.