Dès la toute première chanson du nouvel album d'Adam Cohen, Out of Bed, on est frappé par la ressemblance troublante avec le Leonard Cohen des années 60 et 70. Par la suite, cette première impression s'accentue: la guitare acoustique, les arrangements dépouillés, une choriste (Jennifer Warnes!) qu'on entend derrière et surtout cette voix un peu nasillarde qui étire les syllabes de textes à la fois intimes et universels. Où donc se cachait cet Adam Cohen?

Assis dans la cuisine de la maison paternelle, en face du parc du Portugal, Adam Cohen ne fait pas de mystère. Avant ce «changement de cap violent», il n'avait pas le courage d'enregistrer ces chansons quasi héréditaires qu'il a écrites pour la plupart avant ses deux premiers albums.

«Out of Bed a toujours été une des chansons préférées de mon père qui m'a demandé je ne sais trop combien de fois pourquoi je ne la sortais pas, raconte-t-il. Mais à cause de sa dévotion filiale, je me suis toujours méfié de ses encouragements. Ce sont presque toutes des chansons rescapées de l'oubli. Quand je les jouais, je pouvais lire la déception sur le visage de mes agents ou des représentants des compagnies de disques. Mais je n'étais pas prêt. La motivation m'est venue avec la naissance de mon fils, le retour triomphal de mon père et une volonté au fond de moi de vouloir le célébrer maintenant plutôt que quand il ne sera plus là.»

Fans de Leonard Cohen, soyez rassurés: le poète qui a eu 77 ans la semaine dernière est en pleine forme, même qu'il vient de mettre la touche finale à son nouvel album réalisé en partie par Patrick Leonard (Madonna, Elton John, Roger Waters), le complice actuel d'Adam qui l'a présenté à son paternel. Adam ajoute: «Depuis des années, je demande à mon père de refaire un album qui évoque ses disques des années 60 et 70 où il s'accompagnait à la guitare acoustique, mais ça ne l'intéresse plus. C'est souvent ce Leonard Cohen que les gens ont à l'esprit, mais il le nie complètement. Alors s'il ne veut pas le faire, moi si.»

De son propre aveu, une porte s'est ouverte quand, après avoir toujours refusé, Adam a accepté d'interpréter une chanson de son père dans un spectacle-hommage à Barcelone en 2007. «J'avais 34 ans ou 35 ans, et pour la première fois de ma vie, en public ou pas, je jouais une chanson de mon père (Bird On the Wire). On cherche tous l'inspiration, mais elle était là devant moi et, pour une raison ou pour une autre, je l'avais ignorée.»

Fierté et maturité

Ce sont pourtant des chansons qu'Adam connaît bien, avec lesquelles il a grandi et qu'il a souvent entendues dans leur première mouture autour de la table à Montréal ou dans l'île grecque d'Hydra. Aujourd'hui, il se permet même un clin d'oeil à So Long Marianne dans What Other Guy, l'un des deux titres de l'album avec Like a Man que son père qualifie de «chansons d'amour de calibre mondial». Adam n'en est pas peu fier: «Ma carrière telle que je l'ai connue et conçue est terminée. Pour la première fois, je suis entièrement fier d'une création. Je l'ai dit souvent et je le pense vraiment, mon fils va consulter mon oeuvre comme j'ai consulté celle de mon père et il fallait à tout prix que je me prouve et que je prouve à ma famille et à mon fils que son père n'est pas mauvais.»

Rufus Wainwright, ami de longue date et père de la nouvelle nièce d'Adam, estime que le fils Cohen a acquis de la maturité et qu'il a pris des risques dans ce nouvel album. «Rufus n'a jamais connu ce danger-là parce qu'il s'est forgé sa propre identité très jeune, rappelle Adam. Lui et moi, on jouait dans les mêmes clubs, on a déménagé à Los Angeles en même temps, on a signé des contrats de disques et on a fait nos premiers albums en même temps. Il me connaît bien et il savait que mes albums ne disaient pas qui j'étais tandis que lui a eu cette vision, ce courage et cette sagesse qui m'ont toujours hanté. C'est une des premières personnes à qui j'ai fait entendre mon album, la même semaine que mon père. Sa réaction? 'Finalement mec! '«

Le hasard veut qu'Adam vienne nous présenter ses nouvelles chansons avec deux autres musiciens dans l'intimité du bar Upstairs, rue Mackay, mercredi, le même soir où Rufus chantera avec l'OSM à la Maison Symphonique. «C'est très intimidant de jouer à Montréal», confie Adam qui y revient quatre ou cinq fois par année. Il ajoute: «Je sais que mon père s'est toujours préoccupé de ce qu'allait être la réaction dans sa ville natale. Et comme, en plus, j'ai fait un disque qui évoque l'histoire de mon père, la voix de mon père, oui, ça m'intimide.»

Adam Cohen, au Upstairs, le 5 octobre à 19h et 21h30.

Chanson

Adam Cohen

Like a Man

Emi

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